La cicatrice de votre vie [PV Kass et Yoko]

Ein regrettait régulièrement le docteur Kazura. Cet homme avait une approche avec Kass que lui n'aurait jamais. Il n'était pas à même de communiquer avec Kass. Comment le pourrait-il ? Il veillait sur un être parfaitement sensible qui avait rejeté tout ce qui pouvait les lier. La colère, le ressenti, la haine, toutes ces choses que le digne propriétaire de ce corps avait préféré cacher en même temps que le mal qui le rongeait. Il ne pouvait pas répondre aux attentes de Kass, il ne pouvait pas comprendre ses craintes, comprendre ce dont il avait besoin mais ce n'était pas faute d'en avoir envie.

Avant l'incident, le docteur Kazura avait commencé toutes ces choses. Il avait su lui dire ce qu'il voulait entendre tout en le soulageant de certains poids. De ce point de vue, Ein ne l'avait jamais vu comme une menace, en réalité, il était même une bonne chose. Il était donc dommage que les séances se soient interrompues de cette manière. Avec le temps, peut-être que Kass aurait fini par accepter ce qu'il ne voulait pas voir. Mais trop tard. En conséquence, Ein lui devait protection tant qu'il n'était pas encore prêt. Mais comment le préparer ?

Il ne pouvait plus simplement le protéger de loin, le diriger dans l'ombre, lui donner les bons chemins, les endroits à éviter, prendre sa place à chaque fois qu'il aurait peur ou qu'il serait sur le point de craquer. Cela n'avait pas suffit. Il y avait toujours une marge d'erreur et il commençait à comprendre qu'il ne pouvait pas éternellement le materner. Il ne saurait pas répondre à ses besoins, cette situation devrait cesser. Car dans ce genre de contexte, leurs pensées étaient si éloignées qu'ils ne pouvaient se rencontrer. Il saurait ramener Kass à la réalité, il était loin mais il connaissait un ultime moyen capable de l'atteindre même si ce n'était pas le meilleur endroit pour cela.

Ein prenait le temps de se reposer. L'erreur de la nature n'avait pas eu tord sur ce point, c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Kass restait sa priorité et dans cet état, il ne pourrait pas le ramener en sécurité. Puis il ne pourrait pas non plus abattre le suceur de sang. Il n'hésitait pas à dormir, enchainant de courtes siestes régulières entre les instants qu'il passait à essayer de réparer son protégé. C'était un vaste travail mais il pouvait sentir qu'à défaut de réparer Kass, le fonctionnement de son corps était meilleur d'heures en heures même s'il n'était pas encore parfait. De toute façon, à nouveau, si le but avait été de le tuer, il y aurait eu plus d'une occasion de le faire.

Mais qu'en était-il de celle-là ? Il avait entendu un moteur. Elle devait tout juste arriver ? Mais pourquoi ? Etait-elle le médecin puisque l'autre disait n'être qu'un bourreau ? Le masque, même un brin défaillant avait entièrement couvert le visage d'Ein, laissant son regard imperceptible, peut-être ne se rendait-elle donc pas compte qu'il l'observait en retour, ce qui ne l'empêchait pas de s'adresser à lui.

Il n'avait rien à dire sur son nom car en réalité, il s'en fichait. Il n'avait pas non plus demandé le nom de l'autre et ne comprenait pas ce qu'elle pouvait lui apporter de plus quand le premier n'avait pas été à la hauteur au terme de ses attentes. Mais surtout, lui qui trouvait déjà que l'erreur de la nature parlait beaucoup se retrouvait face à un nouveau spécimen du genre. Kass était bien meilleur que lui pour ces histoires. Avec son travail, il avait l'habitude.

Avec toutes ces questions, il avait presque l'impression d'avoir trouvé un nouveau psychiatre pour Kass. Car avouons-le, aucun n'avait le même doigté que le docteur Kazura et en comparaison, tous les autres étaient donc médiocres, à commencer par celui-là. Les questions étaient nombreuses, désordonnées et étaient contraires à l'idée qu'elle ait été préalablement avertie de la situation.

Puis un monstre de plus ou de moins, quelle différence ? Après tout, il était bien là au début et Ein n'avait pas particulièrement l'intention de s'ouvrir à l'un ou l'autre. Alors tenter de l'avoir à coups de "confidentialité" et de "ce que vous avez au plus profond de vous" était tout aussi ridicule. Peut-être qu'elle n'avait pas été avertie de sa volonté de tuer son ami ?



S'il n'avait pas envie de répondre, il n'avait pas envie de répondre. Mais elle avait tord sur un point. Il n'avait pas tout le temps devant lui. Il devait préparer le retour de Kass et n'avait donc pas tout son temps à consacrer à cette femme. Sans aller jusqu'à répondre docilement à toutes ses questions, il devrait bien pouvoir faire quelque chose. Avec le retour de ses capacités, sa voix aussi était plus brouillée, comme si collé sur sa gorge, un instrument déformait la voix du terroriste. C'était celle d'Ein.

"Vous me motivez. Vous qui êtes le reflet de ce que la nature a engendré de plus répugnant. Ou vous qui paradez sans vous soucier du mal qui ronge. Ce n'est pas un spectacle que j'ai à tolérer."

Des erreurs devant être effacés, l'héritage de l'éducation de Kass et d'un autre côté, des chanceux de ne pas avoir eu à faire face à ce qu'être un monstre impliquait. Finalement, à sélectionner tous ceux qui n'étaient pas Kass, la solution d'Ein était simple. Il ne visait personne en particulier et certainement pourraient-ils le comprendre. Car tous ceux qui se trouvaient sur son chemin étaient coupables d'une de ces deux choses. Mais il n'y avait toujours pas d'animosité dans son ton car finalement, ce qu'il disait était normal du point de vue d'Ein. Il était le reflet des choses que Kass avait rejeté, il était nécessaire qu'il exprime donc ce que Kass ne pouvait exprimer. A défaut de lui faire du bien, cela ne lui avait jamais fait de mal.

Un grognement amusé sortit de la gorge du Vampire. La tête de sa camarade n'avait pas bougée d'un pouce devant l'insulte. Sa carrière de héro avait dû lui en faire entendre des plus originale. Il l'avait pourtant prévenu de l'attitude du patient, mais rien à faire : elle n'avait pu s'empêcher de se montrer empathique. C'était pour obtenir des ouvertures de ce style que le bourreau l'avait faites venir, et dans ce rôle elle était vraiment parfaite. Que Thready continue de jouer au flic sympa, il se chargerait de mettre un peu de sel dans l'engrenage. Banshee ne devrait pas tarder au mieux à s'ouvrir, au pire à reconnaître leurs compétences .  

"Tu n'es pas le premier à me sortir un discours du genre, et je crois que tu as peu de chance d'être le dernier. Tu ressembles beaucoup à ce que j'étais dans ma jeunesse."

Alucard se détacha de l’encadrure de la porte. Il ne s'était pas avancé plus que ça, il fallait bien laisser à sa partenaire de quoi s'affirmer. Il ne fit que quelques pas dans la pièce avant de sortir une télécommande de sa poche, et d'appuyer sur un grand bouton rouge. Il ne fallut pas bien longtemps pour qu'un vieux vidéoprojecteur des années 2000 se détache du toit avec un grincement synonyme de pure vieillesse. Il faut dire qu'il n'avait pas été utilisé depuis un bail. Malheureusement pour lui il fonctionnait encore, et il se retrouvait obligé de projeter une tripotée de documents sur le mur d'en face.

"J'ai fait mes devoirs depuis la dernière fois. Il fut un temps ou tu n'étais pas cette misérable loque. Tu étais plutôt prometteur en médecine Narita, ton parcours étudiant était en passe de devenir remarquable. Dommage que les problèmes d'argent combinés à ton Alter ne t'aient forcé à enchaîner les petits boulots. Ce n’était pas la première fois que ça t’empêchait de profiter de la vie remarque. Je ne pense pas que tes parents ce soit montrés très tolérants. C'est pour ça qu'ils refusent d'entendre parler de toi ?"

Le Vampire tourna la tête. Le mur était désormais bien remplit : des documents médicaux et des papiers gouvernementaux se partageaient tant bien que mal l'espace attribué. Deux choses semblaient néanmoins sortir du lot, un test de fertilité aux résultats désastreux et l'article d'un petit site de presse américain traitant d'une communauté religieuse ayant choisi de s'isoler dans la campagne japonaise. Le titre de l'article, dont la violence était soulignée par une gigantesque police d'écriture, déclamait sobrement :


Juste en dessous de l'image, une vieille photo était visible. Celle d'un homme sévère, se tenant droit devant l'objectif. Il semblait relativement âgé, et portait fièrement une barbe aussi blanche que ses cheveux (attributs rare pour un homme asiatique). Le sous titre affichait un nom, mais aussi une fonction : Hayato Narita, protecteur des mœurs du village de Shizukara."

"Tu es également le reflet de ce que la nature a engendré de plus répugnant si je reprend ta logique. La différence entre nous, c'est que tu refuses de vivre. Tu préfères mourir à petit feu plutôt que d’affronter ce genre de chose."

Il ne prétendait pas avoir le monopole de cette motivation. A l'origine, il se ficherait bien que d'autres la partagent puisqu'il ne se retrouverait pas dans ces derniers, incapable de voir le grand du tableau. Kass était seul, lui aussi mais cela ne le dérangeait pas contrairement à ce dernier. Maintenant que tentait d'accomplir le vampire en lui faisant remarquer ? Espérait-il dégager une forme de compassion ? Il ne pensait pas, la femme était bien plus optimisée pour ce genre de tâches semblait-il. Alors, pourquoi ?

Mais la plus grande question restait le rôle de ce projecteur dans cette histoire. Assez étrangement, là où l'on aurait pu penser que ce soit parfaitement vain, ces discussions avaient un rôle instructif pour le chat n'ayant pas cherché la communication jusque là. Ne pas chercher la communication, revenait parfois aussi à ne pas se poser les bonnes questions. Ce qu'il faisait, il le faisait car il le pouvait, car il avait cette envie en lui qui lui était communiquée par Kass. Il était donc normal qu'il agisse en conséquence. Il n'aurait pas du dans un premier temps chercher plus loin que son premier et seul rôle. Pourtant il avait déjà du s'adapter une première fois pour ne pas seulement garantir l'expression de cette partie refoulée mais aussi protéger celui qui devait l'être.

L'était de ce corps n'était pas bon, il ne l'était pas depuis un moment, semblait presque aller en empirant mais cette rencontre de la veille l'avait presque mis à sac. En tous cas, il ne pouvait clairement pas se lever ou en tous cas, pas sans prendre de risque. Mais il était bien capable de se redresser pour observer l'étendu du tableau. Le suçeur de sang semblait donc avoir réussi un premier exploit, celui d'attirer son attention.

La manière dont il percevait la vie de Kass était complexe. Depuis sa "naissance", il y a trois ans, il assistait à la vie du japonais comme un spectateur intervenant occasionnellement à titre de nécessité. Il n'était pas étranger aux choses qui s'étaient produites avant, il ne les voyait simplement pas de la même manière. Comme un bagage de souvenir qu'il observait avec distance. Alors retrouver ce bagage sous ses yeux, rapportait d'autres questions. Il y avait ce à quoi il avait assisté, comme ce test de fertilité. Les raisons de cette mesures ou encore la réaction de Kass à sa découverte. Il avait bien senti que quelque chose n'allait pas, que ces résultats le dérangeait mais il était mal habile avec ce genre de détresse. La détresse physique, il la comprenait, la douleur mais pourquoi donc les souvenirs liés à certains de ces portraits évoquaient-ils de la douleur à Kass quand il n'avait pas été blessé ? Il y avait certainement une bonne raison mais il était incapable de la capter.

Profiter de la vie, encore un concept qu'il ne comprenait pas et qu'il tentait d'éclairer à la lumière de ces documents. Qu'était profiter de la vie pour Kass ? Etait-ce ses études ? Pourtant ces dernières lui avaient apporté beaucoup de cette douleur qu'il peinait à définir. Ses parents ? Encore une fois, non, il ne pensait pas. Mais le vampire ne citait pas n'importe quoi. Il mentionnait des entraves à ce "profiter". Kass était-il sensé vouloir quelque chose ? Survivre n'était-il pas suffisant ? Son état montrait bien que non. Si survivre était suffisant, si se venger sur le monde était suffisant, il serait déjà de retour. Cela avait-il un effet ? Etait-ce positif ? Est-ce que tout ce qui n'était pas négatif était bon à faire ?

Ein était silencieux mais il n'avait pas besoin d'extérioriser son fil de pensées pour parvenir à un raisonnement ordonné. Il était habitude à faire les choses sans un bruit et à cette occasion, malgré ses interlocuteurs, il prenait son temps. Et à nouveau, il était mis face à la réalité. Kass était complexe. Plus qu'il ne l'était. Il ne pouvait le comprendre. Comprendre pourquoi s'asseoir dans une rue bondée semblait lui faire du bien ou pourquoi les sentiments à l'égard de Hayato étaient aussi contradictoires. S'il l'avait rejeté, ne suffisait-il pas de le haïr comme les autres ? Est-ce que Kass pourrait vouloir mourir à petit feu ? Etait-ce pourquoi il se défaisait si facilement pour laisser la place aux autres ? Pourquoi il se réduisait à un rien ? Il n'avait pas à "affronter" ce genre de choses. Alors pourquoi se mettait-il dans ces états ? Que lui manquait-il ? Sa réponse pouvait donc paraître hors de propos mais c'est la seule qui sortait à un moment pareil.

"Et comment iriez-vous proposer à ce que je suis de "vivre"."

Car cette offre là, était intéressante pour Ein, la première qui semblait l'être. Allait-on lui apporter une réponse satisfaisante. Maintenant Kass en vie ne paraissait pas suffisant. Il devait comprendre ce dont Kass avait besoin et si lui ne pouvait pas le deviner, peut-être qu'une brochette de monstres pourraient le renseigner.

Il lui avait répondu assez violemment. Mais il lui avait répondu, c’était ce qui comptait. Elle avait été mise dans le même sac que le bourreau, mais elle n’allait pas commencer à faire un discours pour expliquer les différences entre elle et lui. C’était un garçon qui allait à l’essentiel, comme on lui avait promis. Elle ne pouvait pas dire qu’on ne l’avait pas prévenu, mais elle a tenté sa chance, peu importe la manière dont la réponse a été donnée. Forcément, quand on est héros, on a l’habitude de discuter avec des gens et de les rassurer. Ils sont parfois en position de faiblesse physique et psychologique, à cause d’un accident qui avait surgit peu avant. Malgré cela, ils sont souvent plus ouverts, car ils cherchent ce réconfort, et voudrait juste poser la tête sur l’épaule héroïque devant eux pour pleurer. Mais Banshee était différent. Cependant, ce n’était pas le premier que Heaven’s String avait rencontré.

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« Uwabami, je l’ai trouvé ! »

La stagiaire levait quelques pierres, révélant un jeune garçon blessé.

« C’est bon, tout va bien se passer, tu es entre de bonnes mains. »

Elle se baissa pour le prendre dans ses bras, mais avec le peu de force qu’il lui restait, l’enfant frappa dans ses mains.

« Je ne veux pas de votre aide… »

L’apprentie héroïne écarquilla les yeux, surprise.

« C’est à cause de ces conneries de héros que ma maison est devenue un chantier. Si vous ne vous battiez pas pour faire les malins, on n’en serait pas là. »

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Ce jour-là, Yoko avait été prise de court. Elle ne réalisait pas que certaines personnes pouvaient penser cela. Mais généralement, on n’avait pas ce genre d’avis sans raison. Certaines choses peuvent avoir un fort impact sur notre vision du monde, et peuvent fermer la réceptivité des gens sur certains sujets. Alors, dans le cas de Kass Narita, qu’est-ce qui l’amenait à réagir ainsi ? Sa réponse restait floue. Mais pour une certaine raison, il semblait profondément haïr les personnes comme eux. Thready aurait apprécié plus d’informations de la part d’Alucard, s’il en avait.

En parlant du vampire, il prit le relais. Les paroles de la jeune femme lui aurait servi d’amorce pour exposer ce qu’il voulait. Lui aussi ne semblait pas étranger aux personnes récalcitrantes, et il avait effectivement plus d’informations sur le patient qu’il ne l’avait laissé croire. Les dossiers fusèrent alors, plaçant Banshee devant les faits. Ce monde répugnant qu’il semblait détester, il y contribuait lui-même. Son alter semblait avoir un impact négatif sur sa vie, au point qu’il se serait fait rejeter par ses propres parents ? L’ex-héroïne se tourna vers lui et regardait son apparence clignotante. On se croirait presque dans un univers virtuel, son illusion semblait si réel. Qu’est-ce qu’il pouvait bien donner lorsqu’il était au meilleur de sa forme ?
La potentielle recrue semblait considérer ce que disait Alucard, demandant des détails sur leur offre. Yoko avait été appelée ici pour qu’elle puisse donner un avis au vampire, pas pour faire la promotion de la Ligue….

« Selon cette vision des choses, nous partagerions plus de points communs que vous ne l’auriez pensé. Parmi nous, les origines et les motivations de chacun diffèrent. Cependant, nous nous entendons entre nous parce que nous avons des objectifs qui concordent entre eux. »

C’était un peu plus compliqué pour le cas de Thready, puisqu’elle venait basiquement du camp directement ennemi. Mais cela se passait de mieux en mieux pour elle.

« Nous nous acceptons entre nous, mais si on est réuni c’est aussi parce que nous nous sommes accepté nous-même. Certains étaient rejetés et personne ne voulait d’eux, et ils ont fini par trouver leur place dans notre groupe. Elle prit une brève pause. Je ne sais pas exactement de quelle manière votre alter a impacté votre vie, mais si c’est possible, nous pourrions aussi vous aider pour cela. À vous accepter, et à vivre. Tant que vous ne transformez pas nos locaux en une scène de crime, on devrait trouver un terrain d’entente. »

Si Moonfish était parmi eux, pourquoi refuser Banshee ?

Incroyable. Des résultats, enfin.

Alucard avait bien fait d'appeler la jeune femme. Banshee venait de s'ouvrir à quelque chose qui dépassait le cadre du "je vais te tuer et massacrer ton cadavre", et le Vampire n'aurait pas réussi à le sortir de ce terrain sans intervention extérieure. Les êtres humains travaillaient beaucoup plus vite à deux, c'était un fait. Avoir sa collègue à portée de mains n'était pas plus mal : voila une situation ou Thready pouvait utiliser ses compétences d'ex-membre des forces de l'ordre. Reste qu'il allait falloir combler les quelques failles dans son discours. La jeune femme ne s'en rendait pas compte, mais elle ne répondait pas vraiment à la question de leur "invité".

"On ne peux pas vivre convenablement si l'on refuse de comprendre qui l'on est. Ce n'est pas un processus facile, c'est une opération qui m'a pris quelques dizaines d'années vu que je l’entreprenais seul. Je peux donner quelques clés sur le sujet, mais avant ça il y a des choses que j'aimerais comprendre."

Quelques dizaines d'années...

La jeunesse du bourreau n'avait pas été une partie de plaisir. La vie n'avait eu cesse de lui en mettre gros au début de son existence. Il n'était pas facile de survivre pour un enfant sans protecteurs, encore plus lorsque personne ne s'embarrassait de lui donner une identité, un nom. Il était très vite devenu la chose d'une petite organisation criminel, et il avait perdu une bonne partie de sa jeunesse à être un outil au service d"un bande d’incapables. Mais accepter la nature de son Alter, et ce que cette dernière impliquait, l'avait sorti du trou. C'était comme ça que la créature d'All For One avait fini par se trouver un nom. Un nom qui, loin de n'être qu'un simple pseudonyme, collait parfaitement avec ce qu'il était.

Voila ce qui manquait à Kass Narita : savoir qui il était.

"Ce n'est pas la première fois que je discute avec toi, et j'ai pu observer ta rencontre avec Quassim Al Samada. J'ai la nette impression d'avoir interagit avec deux personnes complètements différentes. La première était un jeune homme maladroit physiquement comme socialement, avec des réactions physiques tout à fait normal face à la menace. La seconde est un tueur pragmatique, capable de contrôler les plus minuscules réactions de son corps lorsqu'il doit affronter un danger. Tout ça me semble contradictoire. Tu n'aurais pas de quoi m'expliquer ce que tu es réellement ?"

A sa manière, Ein attendait beaucoup de la femelle pour cette réponse. Car dans son regard, elle était celle qui était le plus susceptible de détenir une réponse pertinente. Ou plutôt applicable à l'espèce. Car de toute évidence, du vampire ou de lui-même, elle était la plus à même de faire preuve de compassion et donc la plus proche de Kass, quitte à ce qu'en réalité elle en reste assez loin. Il y avait en effet peu de chances que l'erreur de la nature ait amené une bonne soeur en sa compagnie et leur "entreprise commune" donnait un bon indice sur la nature de leur relation. Sauf qu'il se fichait de leur relation, de leur entreprise commune ou des "autres". Il avait posé une question claire, ne pouvait-il pas avoir une réponse tout aussi claire ?

Il trouvait que le monstre parlait beaucoup mais visiblement, il n'avait encore rien vu. Kass aussi parlait beaucoup mais il doutait que ce soit un critère pertinent. En réalité, il aurait apprécié entendre une réponse aussi claire que "une petite tisane tous les soirs pour vivre". Et même si au fond il se doutait que ce n'était pas aussi simple, il y avait des réponses pire que d'autres et celle de la femelle avait tout pour ne pas lui parler.

A commencer par leur objectif, qui n'était en rien commun. Il avait déjà pu l'observer en application. Le but de l'erreur de la nature n'était pas de protéger Kass Narita et ce n'était certainement pas son but non plus. Dès lors, leur objectif n'était pas commun. Pour ce qui était de s'accepter lui-même, il ne comprenait tout simplement pas où elle voulait en venir. Tout cela pour finalement en revenir à "aider à vivre" ce qui ne l'aidait pas non plus.

Il espérait pouvoir se passer d'une nouvelle intervention de l'erreur de la nature mais visiblement, la femelle s'exprimait dans une langue trop étrangère pour lui. Il aurait donc besoin d'une traduction et forcé de constater qu'ils partageaient une forme de langage. Et la traduction était bien la pire qu'il pouvait espérer, celle qu'il voulait écarter même si au fond il la percevait comme une possibilité. Exposer Kass ? Vraiment ? Pourrait-il le faire ? N'était-ce pas trop ? N'y avait-il pas d'autres moyens de s'y prendre ? Moins radicaux ? Ces solutions marcheraient-elles sur Kass quand la créature était certainement plus proche d'Ein que du propriétaire de ce corps ?

A présent était-il dans l'intérêt de Kass de le mentionner ? Très bonne question mais il était encore tôt. Il avait le temps d'y réfléchir de toute évidence. Tout comme de réfléchir aux informations qu'il avait pu obtenir. A sa manière Ein, collaborait finalement même si ce n'était pas toujours visible. Cette fois, il passait pour cette question. Il tâcherait d'en trouver d'autres en retour.

"Je vais me reposer."





Et comme il s'était redressé dans le calme pour s'asseoir sur le lit et regarder la projection de documents, il se rallongeait dans la position initiale, les bras le long du corps et la tête légèrement orienté pour ne pas prendre appui sur le point de contact du crâne de Kass avec le béton. Oui, cela s'arrêtait là pour l'instant. Ein fermait les yeux même si son masque ne laissait rien transparaître.

Plus il y a de lumières sur la situation, plus il y a d’ombres. Plus il y a de réponses, plus il y a des questions. Maintenant c’était Alucard qui parlait un chouilla de son histoire, en laissant assez de mystères à ce sujet. En tout cas, il apportait un peu de soutien au discours de Thready. Visiblement, ces deux-là se connaissaient encore mieux qu’elle ne le pensait, et plus le vampire en parlait, plus elle avait le sentiment de manquer plein d’éléments. Un personnage qui semblait jongler entre une personnalité plus faible et une autre qui était presque un psychopathe. Mais du coup, était-ce juste un jeu d’acteur, ou aurait-il de réels problèmes psychologiques qui sont hors de son contrôle ? Banshee n’ajouta rien, préférant se reposer. Il ne voulait probablement pas donner de réponse à chaud et pendre le temps d’ordonner ses pensées et réfléchir au pour et au contre de la proposition des deux membres de la Ligue. Chose qui se comprenait, s’il était aussi perdu qu’il le laissait croire.

Bien, il était temps d’en profiter pour demander des explications, là où Kass Narita ne pourrait pas entendre leur tchat. Il y avait probablement des lieux plus sympathiques dans cette demeure pour parler à tête reposée.

« Vous m’avez appelé pour avoir mon avis sur Banshee, c’est bien ça ? C’est compliqué pour moi de me prononcer. Je ne le connais pas, et cette petite conversation avec lui n’est largement pas suffisante pour comprendre une personne qui semble aussi complexe que cela. »

Cette double personnalité était ce qui l’intriguait le plus. Mais ses motivations en tant que vilain étaient aussi floues.

« Je ne sais pas ce qu’il est, d’où il vient, ce qu’il veut, pourquoi il le veut, et comment il veut l’avoir. Peut-être que je me pose trop de questions, mais je ne peux pas émettre une quelconque opinion avec aussi peu d’informations. Et avec les recherches que vous avez faites, et visiblement des rencontres antérieures, vous semblez savoir bien plus de choses que moi à son sujet. »

C’était comme venir à un cours le premier jour et avoir une interro surprise sur des notions que nous n’avons jamais vu. Thready était venue ici ignorante, un peu dans l’urgence, et sa méconnaissance de la situation était assez contraignante.

« Que pouvez-vous me dire, au sujet de Kass Narita ? »

La créature d'All For One guida la jeune femme vers le salon. Mieux valait échanger autour de quelque chose de solide que de parler à coté de cette porte. Il y a certaines choses que son patient ne devait pas entendre. Mieux valait se coordonner dans un endroit plus tranquille.

"Votre présence le fait réagir. Il est beaucoup plus actif lorsqu'il fait face à deux personnes plutôt qu'une. Je me disais que deux opposé étaient plus efficace qu'un bourreau seul. C'est entre autre pour ça que je vous ai demandé de passer. Le reste, je peux aisément vous le montrez plus tard. On a largement le temps, pas la peine de nous presser."

Le salon était à l'image du reste de la maison. Grand, mais simple et efficace. Un coté traditionnel, en témoignait la constitution du sol, mais avec la possibilité de ramener une chaise ou deux si on recevait des invités de marque. Au vu des habitudes de la jeune femme, le Vampire supposa que cela ne la dérangerait pas de se poser à la Japonaise. Il lui fit signe de s’asseoir avant de disparaitre quelques secondes dans la cuisine. Juste le temps de remettre un coup de chaleur dans le four et de ramener un petit quelque chose à boire.

Ce ne fut que lorsque le Vampire se posa derrière la table basse que la jeune femme posa sa question. Et quelle question. Le bourreau aurait bien allumé une cigarette si cette pièce ne retenait pas autant les mauvaises odeurs.

"J'ai rencontré Kass Narita peu après mon évasion. Il donnait tout les signes de considérables faiblesses physiques et psychiques, micro-mouvements inclus. On aurait dis un petit enfant dans un monde beaucoup trop dur pour lui, rien à voir avec le tueur né que j'ai déposé un peu plus bas. Le problème, c'est qu'ils partagent le même corps."

La créature d'All For One versa doucement le vin dans l'argenterie. Il repensa avec amusement à leur soirée dans une certaine cabane. Cette fois, la boisson n'était pas une piquette tout juste passable. C'était un vin Français, qui avait eu le temps de prendre en âge depuis que le Vampire avait été capturé. Et pourtant elle n'avait pas bougé. Dans cette maison rien n'avait vraiment bougé. Alucard avait l'étrange sentiment de jouer avec le cours du temps, et il n'était pas certain d'apprécier la sensation.

"J'ai pu constater le changement de personnalité par moi même. Un jeune homme tellement fragile qu'il en était détestable s'est métamorphosé en Banshee, terroriste japonais redouté, alors que je m’apprêtais à le vider de son sang. Je pensais faire face à un professionnel de la manipulation à l'époque, quelqu'un capable de faire dire ce qui l'arrange à son corps avec une maîtrise absolu. L'anti-bourreau parfait en sommes. Puis j'ai commencé à douter..."

Le bourreau extirpa sa petite de flasque de sang hors son veston. Elle contenait encore le suc vital de Narita. Parfait. Quoi de mieux que le sang de quelqu'un lorsque l'on devait pénétrer sa psychologie ? Nombre de religions assuraient que le sang était un liquide d'une grande puissance. Alucard ne pouvait que comprendre : ce liquide était à la base de ce qu'il était. Il avait du se battre pour en posséder, et ceux dès sa plus "tendre" enfance. C'est donc avec une véritable délectation qu'il le mélangea à son vin, comme un Japonais se servirait du thé. Après toute ses années, il pouvait enfin se poser derrière des bonnes tables.

Certaines choses n'avaient pas de prix.

"Je l'ai recroisé dernièrement. Il se faisait charcuter par Lightning Eagle, qui s'est lassé de frapper dans un punching ball aussi médiocre. Il pleurait lorsque je l'ai ramassé, et ce n'était pas que de douleur. Avec votre passé je suis certain que vous voyez de quoi je veux parler, c'est assez commun chez les civils qui n'ont jamais envisagé qu'ils pourraient se faire agresser. Et maintenant, après une petite période de repos, nous avons ce monstre de pragmatisme dans une chambre..."

Le Vampire prit une gorgée, histoire de se détendre du mieux qu'il le pouvait. La petite histoire était terminée, place à l'action. Il se demandait comment la situation allait bien pouvoir évoluer, et espérait que son patient ne lui réservait aucune mauvaises surprises.

"J'ai deux hypothèses. Soit c'est un trouble de la personnalité, soit c'est lié à son Alter. Et vous, ça vous rappelle quelque chose ?"

En fait, elle a été invitée ici pour sortir les vers du nez de Narita. Le bourreau expliquait que c’était par leurs deux approches assez opposées qu’il arrivait à obtenir les informations qu’il voulait entendre. Effectivement, l’intervention de Yoko lui avait permis une bonne accroche pour enchaîner avec ses « devoirs », elle lui accordait ce point. Thready se laissa guider dans la demeure jusqu’à un salon. C’était assez spacieux, et pas si mal conservé, pour une maison appartenant à un homme qui était au trou pendant si longtemps. Après s’être éloigné un instant, il revint à elle avec du vin, mais d’une qualité peu comparable avec celui d’une autre dégustation.

Alucard aurait rencontré le sujet dans son apparence faible, avant Banshee. Cela s’apparentait vraiment à de la double personnalité, mais quelle pouvait être la source ? Cela donnait quelque chose d’assez fictif. Enfin, rien n’était si fictif dans un monde rempli de super-pouvoirs. Et si… ? Et si justement c’était un alter ? Chaque jour on pouvait se laisser surprendre par des alters. Un pouvoir qui affecte directement le comportement d’une personne était possible. Ou alors, un pouvoir qui lui faisait pousser des ailes, avec lequel il se sentait confiant, alors qu’il préférait ne rien faire quand il était faible. Mais ici, ce changement semblait trop extrême pour être une simple hausse de confiance en soi.

Il raconta une nouvelle rencontre, impliquant l’œuvre de Lightning Eagle. Un héros égyptien, non ? Plus que ça, une personne à la place élevée dans le monde de la politique. Cette double casquette ne plaisait pas à Yoko. L’héroïsme et  la gestion (même partielle) d’un pays étaient deux tâches demandaient un investissement fou. Elle n’estimait pas cela possible de pouvoir faire les deux à la fois de manière efficace. C’était aussi plus facilem d’effacer les crasses qui ne nous arrangent pas, avec de tels pouvoirs. Oui, elle voyait le mal facilement, mais quoi de plus normal pour elle ? Et justement, Alucard témoignait l’avoir vu frapper l’enveloppe charnelle de Banshee, visiblement gratuitement. Comme quoi… L’héroïsme est une bonne couverture. On se fait passer pour quelqu’un de dévoué, prêt à tout pour le peuple. Et quand on ne s’y attend pas, un coup bas se fait plus violent encore. La confiance est une arme terrible.

Thready but quelques gorgées de ce liquide européen, réfléchissant à sa réponse imminente.

« C’est difficile à dire. Cela peut être l’un comme l’autre. Mais cela peut aussi être les deux à la fois. Nous savons que son alter est basé sur l’illusion. Mais peut-être est-ce plus complexe. Nous connaissons son nom et son prénom, nous pouvons peut-être retrouver quel est l’alter enregistré à son nom. Avec un peu de chance, nous trouverions des informations supplémentaires. Cependant j’ai du mal à croire que l’alter seul le fasse sortir de ses gonds. Mais il est difficile d’émettre des conjectures sur cela, les causes peuvent être multiples. »

Yoko réfléchissait, deux doigts sur son menton.

« Je ne sais pas quel genre de piste pourrions-nous explorer pour espérer avoir des réponses. Ce qui est surprenant, c’est que le potentiel de Banshee ne s’est pas révélé lorsque Lightning Eagle s’en est pris à lui. Peut-être n’est-ce qu’une simple contrainte d’alter, ou cela peut aussi nous guider vers une réponse. Banshee semble peu coopératif pour répondre à nos questions… mais avez-vous déjà interrogé Narita ? »

L'alter de Kass n'avait jamais été enregistré à son nom. Quand ce dernier avait commencé à émerger, son père l'avait traité comme une maladie mentale et ne l'avait donc jamais déclaré, situant Kass à l'image de son village "sans alter" même si cette information était vouée à évoluer, elle n'en avait pas eu le temps.

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L'obscurité n'était plus tout à fait la même que l'instant précédant même si la pièce était loin de baigner dans une intense lumière. Cet endroit était source de souvenirs mais non ceux que le japonais se serait attendu à rencontrer. L'espace clos, le bureau en chêne, le tapis de souris usé et rongé aux angles, l'écran d'ordinateur toujours éteint et la seule lueur d'une lampe retenue par son abat-jour jaunit, posée entre lui et son interlocuteur. Avait-il toujours fait aussi noir ici ? Les fenêtres étaient recouvertes par des stores mais derrière semblait régner l'obscurité, pas même les lueurs de la ville comme si cette pièce était coincée dans un monde de ténèbres.

Mais il ne le craignait pas. Il suffisait à Kass de serrer légèrement ses doigts sur le tissus des accoudoirs du siège sur lequel il était assis pour comprendre qu'il connaissait bel et bien cet endroit. Tout comme l'homme qui lui faisait face, un regard bienveillant au bout des yeux et une expression apaisante tout juste éclairée par la lumière jaune.

"... Docteur Kazura..."

Il était bien là face à lui pourtant il lui semblait une éternité depuis qu'il avait mis les pieds dans son bureau ou qu'il n'avait pu lui parler. Comment cela se faisait-il ? Il appréciait ses moments avec cet homme alors pourquoi ne le voyait-il plus aussi souvent qu'il le faisait auparavant ? De toute évidence c'était sans importance maintenant qu'il était de nouveau en consultation.

"Kass, cela faisait longtemps. J'en venais à croire que tu ne viendrais plus me voir."

Comme toujours, il n'y avait jamais le moindre jugement dans la voix du docteur Kazura. Il était facile de le comprendre et de savoir qu'à titre d'exemple, il n'attendait pas d'explications pour cette longue absence, pas si Kass ne savait pas quoi y répondre. Et c'était le cas. Le psychiatre reprit donc après un instant.

"Tu es là pour une raison particulière n'est-ce pas ? Est-ce qu'Ein te causes encore des problèmes ?"

Ein ? Il fallut quelques secondes à Kass pour se souvenir de quoi il s'agissait Ein. Oui, en effet, Ein était l'expression de son alter. Il était la raison pour laquelle il était fatigué, ce que ses médicaments supprimaient. Ils en avaient déjà parlé mais il l'avait.. oublié ? Son regard s'orienta vers le miroir qui n'était pas tout à fait à sa position habituelle. Etait-il tourné vers lui il y a quelques secondes ? Ce n'était pas son reflet mais celui d'Ein. Une part de lui craignait ce qu'il voyait.

"Je... Je ne sais plus... "

Il avait peur, réellement, mais Ein était-il réellement la chose dont il avait peur ? Plus il le regardait, plus il... se regardait, plus cette crainte paraissait désuète. Il l'avait craint mais à présent, il ne semblait plus être si terrifiant.

"Je vois, si ce n'est Ein, pourquoi es-tu si malheureux ?"

Cette fois, il du quitter le miroir des yeux pour constater à nouveau le docteur Kazura. Il ne lui demandait pas s'il était malheureux, il l'établissait et sans savoir comment, cette remarque semblait bien trop pertinente. Il était donc malheureux ? Et ce n'était pas la faute d'Ein ? Et qu'était-ce que cette chose qui dépassait du cou de son psychiatre ? Et tout ce sang dans lequel baignait sa chemise d'ordinaire blanche ? Si ce dernier ne semblait s'en soucier devait-il lui aussi l'ignorer ?

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Quelques heures avaient passées et cela semblait à présent suffisant pour Ein qui émergeait, ouvrant les yeux pour constater le plafond. Il était déjà rare qu'il se réveille mais qu'il se réveille deux fois de suite relevait de l'exception la plus totale. Il savait qu'il était encore trop tôt pour Kass. Mais quand bien même il ne le faisait jamais lui-même, il devait se nourrir. Une bonne raison pour l'homme masqué de poser un pied par terre malgré son état encore douteux.

Lorsque Alucard s'était réveillé dans sa vieille chambre aux environs des neuf heures, il avait ressenti une tristesse qui ne l'avait pas effleurée depuis bien des années. Il se leva par automatisme, la mort dans l'âme, et commença à s'atteler à sa gymnastique du matin. Il était tellement faible... Il y avait une époque ou son corps était beaucoup plus puissant. Il y avait une époque ou regarder cette chambre vide n'était pas aussi douloureux.. Il y avait une époque ou il ne dormait pas seul dans ce lit austère, posé en dessous d'une magnifique fenêtre. Il y avait une époque ou sa vie était caractérisée par un bonheur indescriptible, et non pas par une lente redécouverte des choses les plus simples. Le Vampire se releva et observa son corps nu dans la glace. Il rapprocha sa tête du verre et se mit à scruter son visage avec toute la précision dont il était capable.

Pas une ride.

Malgré toute ces années en captivité, il n'avait pas pris une ride.

Le bourreau soupira. Toutes les choses de ce monde mourraient lentement, mais il n'était plus une chose normale. Il avait mis un moment pour prendre conscience du fait que, si il gardait un rythme de croisière de ce style, il vivrait suffisamment longtemps pour voir tout ceux qu'il aimait mourir. Il n'était pas stupide de penser qu'il survivrait à Tomura Shigaraki, comme il avait survécu à la vieille Ligue. À la vieille Ligue et à sa famille. Une pulsion violente grimpa jusqu'au cerveau de la créature d'All For One, mais elle l'ignora. Elle se contenta de s'éclipser sous la douche et de laisser l'eau froide purifier son psychisme. Il fallait penser à autre chose, il avait une guerre à gagner. Il ne pouvait pas mourir tant que l'héritier de son maître ne contrôlait pas ce maudit archipel.

"Avez-vous déjà interrogé Narita ?"

La remarque de sa collègue ne cessait de lui tourner dans le crâne depuis qu'il lui avait montré sa chambre d'amie. La nuit ayant portée conseil il s'attela à son habillement, toujours dans un costume complet des plus chic. Elle avait raison. Négocier avec cette brique de Banshee revenait à construire un château sans terrain plat. Cette "chose" vivait sur un autre plan d'existence qu'eux, en démontrait la manière dont il gérait le corps qu'il habitait. Ce n'était pas très éloigné de l'animal, et ils devaient discuter avec un être humain si il voulait conclure un accord.

"Narita... Narita... Comment vais je bien pouvoir m'y prendre pour te ramener sur le devant de la scène ?"

Un craquement suspect retentit dans le couloir. Le sang du Vampire se stoppa : un de ses invités était en train de ce déplacer dans la demeure, restait à découvrir lequel. Il termina de nouer sa cravate et de dirigea vers le son. Il finit par arriver devant un Banshee encore faiblard qui essayait désespéramment de marcher droit dans le couloir. Le voir porter son masque de bon matin avait quelque chose d'intriguant. Le bourreau lui souleva les épaules sans se soucier des possibles protestations et lui indiqua que la cuisine se trouvait de l'autre coté de l'endroit, et qu'il n'avait qu'à l'accompagner si il voulait se mettre quelque chose sous la dent. La scène avait un coté stupide, elle aurait rappelée au Vampire la première cuite de son fils si il n'essayait pas désespérément d'éloigner ce type de souvenir. Il put déposer le jeune homme sur une chaise de la cuisine sans trop de mal et commença à faire des œufs au plats sur du bacon. Mieux valait quelque chose de rapide, le terroriste n'était pas un être des plus patient. Et, si il fallait meubler une conversation, mieux valait le faire en posant des questions "nécessaires" tant que Yoko ne pointerait pas le bout de son nez.

"Comment va ton visage ? Il devrait s'être dégonflé après ce que je lui est administré, toute augmentation de la douleur serait préoccupante pour ta santé."

Cela été peut-être absurde pour les non initiés mais Ein n'avait jamais eu l'idée d'enlever son masque et si tout à l'heure il ne l'avait pas, c'était bien qu'il n'avait pas le choix. Et à défaut d'avoir retrouvé toutes ses forces, au moins sa "tenue" ne comportait plus de parasites si ce n'étaient quelques uns au niveau du bas de son costume. Il ne savait pas non plus particulièrement où trouver de quoi nourrir Kass mais à déambuler, connaissant la nature humaine, il y avait fort à parier qu'il trouve quelque chose non ? Quoi qu'un vampire l'avait amené ici. Il était donc tout autant possible qu'il ne trouve rien. La sandwicherie de Maggy n'était certainement pas la porter à côté non plus.

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Son attention était de nouveau captée comme par le son d'une cloche provenant de l'arrière du bureau. La gorge lacérée son reflet aux airs d'Ein, la chemise gorgée de sang. Tout semblait plus calme et lui se sentait pouvoir en faire abstraction ? Ou presque, si ce n'était pour ces quelques mots.

"Ne sois pas si tendu, je ne suis pas la première personne que tu as tué."

"... Pardon ?"



Le calme revenu ne s'était installé que pour rendre cet instant plus terrifiant, le docteur Kazura continuait de le regarder au-travers de ses lunettes mais tout à coups, le sang qui s'échappait déjà de sa gorge de mit à couler de plus belle, faisant prendre définitivement conscience à Kass de la situation qui se releva précipitamment, envoyant valser la chaise sur laquelle il était assis avant de maladroitement tomber en arrière sur le tapis, presque pétrifié. Car le sang était encore plus présent, et coulait dangereusement au sol, se répandant, teintant le tapis, passant sous le bureau, atteignant le bout de ses chaussures. Le liquide envahissait la pièce, touchait le sol puis commençait à courir les murs tel une plante grimpante qui se teintait de noir à mesure qu'elle progressait.

"Docteur... Kazura ?!"

C'était un appel à l'aide. Car le psychiatre s'était levé et s'approchait à présent du japonais gisant au sol et n'arrivant pas à le quitter du regard. Le docteur eut l'air pensif un instant avant de regarder ailleurs.

"Tu as besoin d'un verre d'eau ? Je vais te chercher ça."

Le médecin sortait et Kass se retrouvait seul avec son reflet et ce goudron. Mais la porte ?! Une porte était apparue. Il pouvait sortir de là ! C'est ce qu'il espérait mais en tentant de retirer son pied, il du constater que le goudron l'accrochait le retenant. Bientôt, ses mains au contact du sol connurent le même sort, il était prisonnier, ne pouvait pas sortir, pas se lever et le niveau commençait à monter, le poussant à encore d'avantage se débattre.

"Stop ! A l'aide ! Aidez-moi !"

Mais il n'était pas le seul à crier, d'autres voix lui faisaient écho, des voix qu'il ne connaissaient pas mais qui le terrifiaient autant que cette situation. Ses chevilles, ses poignets, ses mollets, sa taille et bientôt presque ses épaules. Kass ne cherchait pas à retenir les larmes d'impuissance et de terreur qui coulaient sur son visage. Il n'entendait personne pour l'aider, seules ces voies aussi terrifiées que lui qui finissaient par couvrir sa voix. Il sentait déjà le souffle lui manquer alors que le liquide atteignait son cou. Et au travers de son visage embrumé, la dernière chose qu'il pouvait voir était cette personne debout dans le miroir à moitié englouti qui ne semblait pas avoir peur. Il tentait dans une dernière supplication.

"Ein...Hg... Je t'en prie... aide-moi..."

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Mais il n'allait pas aller bien loin ainsi. Il avait beau être assez fermé à la douleur, il n'en restait pas moins qu'il pouvait sentir la faiblesse de ce corps qui n'était visiblement pas tout à fait prêt pour la sortie qu'il lui imposait. Finalement l'arrivée du vampire n'était peut-être pas une si mauvaise chose ? Il saurait mieux où trouver de quoi se nourrir, ce serait plus efficace. A vrai dire, il ne luttait même pas contre le fait de se faire aider. Il avait conscience de sa propre faiblesse actuelle. La faiblesse du corps il n'y pouvait rien, il devait attendre que ça passe et faire le nécessaire pour l'entretenir en attendant. Il se laisse donc entraîner en silence, se focalisant sur sa respiration.

Il aurait pu se contenter de n'importe quoi. Quelque chose de nourrissant même froid aurait pu faire l'affaire. Depuis sa chaise, il fut donc légèrement surpris de voir l'abomination commencer à cuisiner ? Cuir quelque chose ? Bon, c'était au moins en train de cuir donc il allait attendre un peu. Il n'aurait pas eu besoin de meubler cela dit. Mais certainement était-il plus coopératif en conscience du fait qu'il va être nourri. Une forme de donnant donnant ?

"La douleur n'est pas plus intense"

Donc il en conclu que cela devrait aller. Il comprenait la douleur mais n'interprétait simplement pas l'information de la même manière. Il était lucide sans avoir réellement "mal". Mais il était assez étrange de voir quelqu'un cuisiner pour lui. Dans ce genre de situation, qu'aurait fait Kass ? Hnm.. Il aurait probablement été dans tous ses états. Mais Ein se focalisait sur le résultat. Par ailleurs, il reconnaissait l'oeuf mais la seconde chose ? Il se redressait donc légèrement, le temps de tendre le bras.

"Qu'est-ce ?"





Premier contact avec du bacon. Une fois qu'il s'était assuré que l'anomalie avait comprise de quoi il parlait, il se permettait de se rasseoir.