Freaks'Bar [PV : Hanna Bakeryu]

C’est marrant, mais maintenant que j’y pense, je crois bien que c’est la première fois que j’ai une conversation vraiment poussé avec une héroïne. Enfin, une apprentis-héroïne.

Je ne peux pas m’empêcher un léger rictus en l’entendant parler. Cette fille, c’est quelqu’un de bien, c’est évident. Et je me dis que c’est une bonne chose.

Je suis comme tout le monde, j’ai entendu les rumeurs, et tous ces forums sur internet qui se plaignent que les héros aujourd’hui, c’est qu’une question de salaire et de célébrité. Eh bah...Et toc les gens, vous n’avez qu’à parler avec cette jeune demoiselle pour voir que ce n’est pas toujours vrai.

“Oh tu sais, ce n’est pas bien grave.”  

C’est vrai, je ne leur en veux pas à ces gens. On a tout été à leurs places un jour ou l’autre. Tout le monde dit que la colère, la haine et toute cette famille-là sont les pires des émotions. Moi, je crois que la frustration et l’envie ce sont les plus difficiles. On fait des choses vraiment moches quand on les rencontre, alors voilà. Je me dis que c’est leurs émotions qui parlent, et qu’en soit, ils sont surement adorables dans un autre contexte.

“J’imagine que...euh...Ça doit être dur des fois. De voir des attaques, ou des personnes dans le besoin, et ne pas pouvoir intervenir." 

C’est une question que je me suis toujours posé mine de rien. Et moi ? Qu’est-ce que je ferais si je voyais une personne en détresse ? Mine de rien, ça ne m’est encore jamais vraiment arrivé. J’ai toujours eu de la chance. Mais est-ce que je serais courageux ? Ou au contraire, un gros trouillard ?

Bah, remet un peu d’ordre dans ta tête mon vieux. Ce n’est pas car elle est une future héroïne qu’il faut que tu t’imagines à sa place. Ce n’est vraiment pas fait pour toi ce genre de boulot !

J’ai un léger rire nerveux devant les dires de la demoiselle. On ne va pas se mentir, des personnes qui aiment mon travail, ne doit pas en avoir des masses.  

Par réflexe, j’agite les mains brièvement pour lui indiquer que tout va bien.  

“Ah non non, je comprends, ne t’inquiètes pas.”  

Je reste pensif un bref instant. Mine de rien, j’y réfléchis pas mal mais...Encore une fois, c’est tellement...Banal. Face à une fille qui a de l’action et sauve des gens, je ne sais pas, cette banalité me parait d’un ennuie à tomber par terre.

“Bah...Euh...En fait, je me dis que je monterais bien ma boite mais...Je manque un peu d’expérience.”

Je me masse le cou, j’essaye de réfléchir à comment tourner ça pour que ce soit un minimum divertissant.  

“Tu vois, parait que si je fais homme d’affaire, les gens ne seront pas super fan. Tu sais, démon en costard, qui vend des contrats, tout ça.”  

Je lui fais un petit clin d’œil, bon, je ne sais pas si ma blague fera mouche, mais l’intention y est !

“Mais tu sais ce qu’on dit, y’a un langage universel, et c’est celui de la bonne nourriture. Si je suis derrière les fourneaux, ça ne dérangera personne. Et puis, je pourrais faire plaisir aux gens, à ma façon !”

Je croise brièvement les bras, je m’imagine déjà, dans mon restaurant, à cuisiner de tous les pays possibles. De l’Italie, en passant à l'Asie, et pourquoi pas même de la nourriture Indienne ? Un restaurant où quand on y rentre, on sait qu’on part pour un tour du monde culinaire. Ça pourrait même me faire un prétexte pour voyager un peu partout. Ce que ce serait bien.  

Ce que je m'imagine en ce moment même ::

J’en souris presque.  

"Mais bon, la cuisine sur le temps libre, c’est bien. Mais si je veux fonder quelque chose, il me faut un peu plus d’étude. Alors voilà, je mets de côté, et quand j’aurais ce qu’il faut, je tente l’école et l’aventure.”  

J’ai un léger rictus en coin.  

“Toi tu combattras les vilains. Et quand tu auras fini, tu seras la bienvenue à une de mes tables, ahah !”  

J’en lâche un petit rire. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer le bâtiment, tellement d’idées !

“Ahah ! Eh ! Tu parlais d’un train fantôme ? Imagine le concept, un restaurant fantôme ! Cuisine qui fait peur, plats originaux, et plats qui descendent sur les tables des clients via des fils !”

Et si on prenait le concept au sens propre ? Un vrai train, mais qui est là pour faire peur, et la cuisine se serais le wagon restaurant ? Un train où les gens avec des alters différents pourraient être adoré pour ce qu’ils sont. Et puis, c’est le genre d’environnement où l’ambiance entre collègues est superbe !

Et puis, j’ai soudainement une arrière-pensée, une arrière-pensée qui me fait une petite moue. Ce serais un peu comme faire une foire au monstre. Ce serais nous montré tous comme des curiosités, ce ne serait pas loin de tous ses vieux films d’histoires se déroulant dans des cirques. Brr...

“Bah euh...”

Raaah, réfléchis mon vieux. Je ne veux pas qu’elle ait la même impression et qu’elle se sente soudainement mal à l’aise !

“Mais super-héroïne, ça vend quand même beaucoup plus de rêve !”

J’ai un petit rictus en coin, un brin taquin peut-être ?

“J’imagine déjà tes plus jeunes fans, avec un costume d’araignée tout mignon, qui courent jusqu’à toi pour demander un autographe !”

J’en sourit à nouveau rien que d’y penser. Ce serais une belle scène, et bien plus parlant et positif qu’un train aux monstres !

Mais c’est une sensation désagréable qui me sort de mes pensées, une vibration, venant tout droit de ma poche.

“Oulah, euh...Excuse-moi...”

Je sors le téléphone de ma poche pour en observer le cadran.

“Boulot”

...Aïe...Outch...Mince mince mince. Je ferme un œil tout en serrant les dents, aoutch que ce n’est pas bon signe.

Je redresse à nouveau la tête vers Hannah avec un rire un poil gêné.

“Vraiment désolé, est-ce que ça te dérange si je prends l’appel ?”

Pour une fois que je suis à un endroit sympa avec une fille tout aussi sympathique...

Alors elle ne voulait pas être célèbre ? Je trouve ça presque rassurant, je sais, je sais, ça peut sembler stupide dis comme ça mais...

Je ne peux pas m’empêcher de repenser à certaines revendications, certains vilains qui prétendent faire ce qu’ils font pour dénoncer l’hypocrisie des héros. Des héros qui ne sont là que pour la célébrité, pour jouer dans des publicités, ce genre de choses. Mais quand j’entends cette fille en parler, j’en oublie toutes ses phrases.  

Mais là n’est pas le sujet ! Mon patron est en train de m’appeler sur le téléphone, et c’est vraiment, vraaaaiment pas bon signe !  

J’hoche la tête doucement vers Hannah, avant de me masser la nuque. C’est que c’est un brin gênant mine de rien ! J’espère que je n’ai pas trop l’air impoli, je me lève pour m’éloigner un peu.  

Un peu au loin pour éviter de déranger tout le monde, je viens répondre à l’appel.  

“Yo Bari, tu vas bien ?”  

“Salut chef, je vais bien et toi ?”  

Je le sens venir grand comme une maison. C’est mon jour de congé aujourd’hui, et comme tous les jours de congé, il faut que...

“Ça va très bien. Dis-moi, tu es en ville cet après-midi ? On a Tsuyu qui a appelé, elle est malade, une vraie catastrophe.”

Je me retiens de soupirer, mais bon, ce n’est pas comme si j’avais beaucoup de choses à faire de mes journées de toute façon. Autant dire ce qu’il veut entendre, et puis, ça le soulagera.  

“Ah mince...J’espère que ça va aller de son côté. Je peux faire quelque chose pour aider ?”  

Bon...D’une certaine manière, ça me fait plaisir. J’aime bien me sentir utile, et aider les gens.  

“Alalala Barï, tu nous sauve tu sais ? Si tu peux être là pour 14h, c’est parfait.”  

Mon regard se perd un peu vers l’apprenti héroïque, un très discret sourire en coin sur mes lèvres. On aide les gens chacun de sa manière j’imagine ? Certes, c’est moins héroïque mais...au final, je rends quand même service à quelqu’un alors...C’est pas si mal, je crois ?

“Bien sûr, a toute à l’heure.”

L’appel est raccroché, et mon objectif de l’aprem désormais clair et net.  

Je retourne doucement vers la table, me frottant brièvement la nuque d’une main un peu pataude.  

“Désolé, désolé...”

J’hésite un bref instant, réfléchissant à toutes les manières possibles et imaginables de prendre congé sans paraître grossier. Ils ont été si sympa avec moi, et je ne veux pas avoir l’air du gars ingrat qui s’en va si tôt.  

“Mon travail vient juste d’appeler, ils ont besoin d’un coup de main.”  

Allez, Barï, réfléchit à un peu d’humour, ça détend toujours l’humour.  

“Il faut bien quelqu’un pour sauver les ordinateurs et autres offres de réduction en détresse hein ! Super Barï, héro des publicités et des numéros masqués !”

J’essaye de lâcher un bref rire, j’espère qu’elle ne le prendra pas trop mal !

Je fixe la main tendue un bref instant, y’a pas à dire, sont vraiment très sympathique ces gens ! Je relève la mienne, et vient lui serrer. Le contraste peut pas m’empêcher de m’amuser un peu. Je veux dire, si on regarde juste nos mains, c’est moi qui aie l’air le plus bizarre. Main rouge-orange et rugueuse, aux griffes noirâtres, dans celle pâle et douce comme une poupée...Et puis, on voit le reste.

J’hoche doucement la tête à ses dires, un peu ouais que c’était sympa de parler avec elle ! Et j’espère bien qu’on aura d’autres occasions tôt ou tard !

“Avec plaisir ! Et prochaine fois, sans appel du patron, promis !”

Enfin, en vrai, ça, je ne peux pas trop le prévoir. Mais eh ! C’est trop...spécifique pour que ça arrive à nouveau, non ? Allez, on croise les doigts !

“A plus tout le monde, on se reparle sur les réseaux !”

Que je dis avant de m’avancer en direction de la sortie, je leur fais un geste avant de réaliser...Raaah la boulette, Barï, tu crains !

Je m’avance à nouveau vers la table.

“Oulah, j’allais oublier.”

Je sors de mon portefeuille les yens que je dois, avant de les poser sur la table. Manquerais plus que je les fasse payer pour moi ! J’oserais plus les regarder en face après une bourde pareille !

“Ahah...Mieux comme ça !”

Je sens la petite goutte de sueur me descendre le front orangé, piouuuf.

Après quoi, je me retourne, cette fois pour de bon, et me dirige vers la sortie. Dehors, le soleil est au rendez-vous, c’est une belle journée qui s’annonce. Que je vais passer...Dans un bureau, eh bah, au moins, y’aura la clim.

C’est déjà ça, enfin, je crois.