Cold Case [PV Sarah Lincoln]

Oulah. Les explosifs, c'était un peu inattendu. Et, comme on disait chez elle, överkill. Les lianes à elles seules seraient sans aucun doute venu à bout de n'importe quel amateur. Tsunayoshi Sawada inclu, malheureusement. Mais maintenant, ils devaient trouver et arrêter les gens responsables pour tout ça.

Sophia écouta avec attention la conversation de Mindfeel et du répartiteur du HerosNet. Les renforts arrivaient, mais, pour une fois, la suédoise fut d'accord avec sa compatriote américaine. Ils devaient pousser vers l'avant. Et trouver les responsables.

- La personne qui a posé tout ça... Ne doit pas mettre sa propre vie en danger à chaque fois qu'il a besoin de traverser... Certainement, il y a une autre voie...

White Muse lança quelques regard autour d'elle, tentant d'y voir des indices, quelques chose qui sortirait de l'ordinaire. Plus haut... Plus bas... Assurément, quelque chose lui mettrait la puce à l'oreille.

En regardant le sol, elle vit quelque chose. C'était flou, c'était peu visible... Mais c'était assurément une trace de pas. Face à la falaise. Comme si on était passé au travers de celle-ci. Une fausse paroi?

- Mindfeel, regarde ça... On doit trouver comment ouvrir ce mur, mais... On tient quelque chose, j'en suis sur !

Elle pointa du doigt la trace au sol. C'était mince comme espoir, mais c'est tout ce qu'ils avaient. White Muse se mit alors à tâter la falaise, espérant y trouver quelque chose. Ils attraperait le malade qui sévissait ici, elle l'espérait de tout son coeur.

"Calme toi Axelsson. Tout va bien se passer. J'ai des grenades."

Sarah, qui appréciait décidément de moins en moins l'incapacité de sa collègue à maitriser ses émotions les plus basiques, attrapa la suédoise par l'épaule avant de la tirer plutôt fermement derrière elle. Chez les civils, les étudiants et les stagiaires cette attitude était acceptable. Chez une professionnelle du régalien diplômée comme Sophia c'était un véritable scandale. Personne n'était en danger ici. C'était juste un jour de boulot comme un autre.

Si White Muse était incapable de supporter une montage un peu piégée, comment pouvait-elle espérer s'en tirer au beau milieu d'une catastrophe naturelle ?

"Regarde. Magie."

Mindfeel décrocha l'une des grenade du bouquet, la fît flotter avec son Alter et, sans lever ne serait ce qu'un sourcil, la dégoupilla avant de la projeter contre la paroi du rocher. Le projectile se stabilisa quelques secondes avant d'exploser d'une manière un peu bizarre. C'était certainement dût à l'humidité de l'endroit. Après tout, planquer un explosif sur un flanc de montagne explosé à la pluie n'était peut être pas le meilleur moyen de les conserver. Reste que le résultat était positif. Ce qui ressemblait à un passage sculpté dans la roche était désormais grand ouvert.

Sarah grogna de satisfaction, tapota deux fois l'épaule de sa collègue et se dirigea vers la "grotte" pistolet à la main. Elle ne sentait la présence de personne mais il fallait mieux rester prudent. Elle appuya sur son costume, juste pour avoir une lampe torche tactique dans cet endroit sombre, et commença à scanner ce qui l'entourait avec le canon de son arme. Les lieux étaient... particuliers ? Ça ressemblait à une vieille planque de contrebandier, quelque chose qui n'avait pas été utilisé depuis au moins quelques années. On y trouvait des caisses vides, un lit de camp, une vieille table, des couvertures moisies  

"Peut être que je vais enfin pouvoir tirer sur quel... Holà. Gaffe à toi White Muse. J'ai un cadavre putréfié juste là."

Effectivement. Dans une petite alcôve, presque invisible depuis l'entrée, le corps d'un homme d'âge inconnu était empalé au mur. Une énorme pique en bois lui traversait le flanc. Le processus de décomposition était très avancé. Le cadavre était sec, violet, sur le point de virer squelettique, sans aucune trace de sang. Quelqu'un était mort ici mais ça commençait à remonter.

"Pas très agréable comme manière de partir, non ?"

Sophia grogna. Comme une héroïne aux techniques aussi bourrine que Sarah Lincoln pouvait-elle encore avoir le droit d'exercer le métier. Franchement, c'était déconcertant. Mais bon, c'était efficace, donc White Muse ne pouvait pas réellement critiquer pour le moment et Aegis avait le bras long, de toute façon. Toutes plaintes qu'elle pourrait faire à la commission aurait vite fait de se retourner contre elle...

Le mur ouvert devant eux, Sophia pénétra à la suite de Mindfell dans la pièce sombre et humide. L'odeur vint la frapper très rapidement. Une odeur qu'elle reconnu immédiatement et qui était très mauvais signe dans ce genre d'opération. La suédoise s'enfonça un peu dans l'antre et commença à l'arpenter dans le sens contraire de sa collègue. Elle n'eut qu'à faire quelques pas avant que l'américaine ne confirme ses doutes lorsqu'elle lui annonça qu'elle avait trouvé un cadavre.

White Muse alla rejoindre l'autre pour observé la scène qui n'avait rien de jolie. Elle avait vu plusieurs cadavre et, même si leur vue pouvait encore la dégouter, elle savait depuis se contrôler face à ceux-ci. Elle grogna suite au commentaire de sa collègue. "Pas très agréable" c'était un euphémisme là. Clairement, la victime avait énormément souffert...

Par contre, vu depuis combien de temps ce corps semblait se trouver là, la "base" n'était certainement pas visiter de façon régulière par ses propriétaires. Peut-être y trouveraient-ils des indices, mais assurément rien de très récent...

- Je crois... Qu'on a atteint la fin de la piste...

Elle s'approcha de la table au centre. Recouverte de poussière, mais rien d'intéressant...

- Tu veux... Continuer de fouiller un peu? Ou on attends les renforts et on leur passe le relais? Sawada n'est pas ici. Ce cadavre date sans doute d'avant sa disparition, tellement il semble vieux... Soit Sawada est tombé dans l'une des épreuves précédentes... Soit cette piste ne menait à rien, dès le départ...

Un autre écueil dans le début de carrière difficile de White Muse. Ça allait pas en s'améliorant, son truc...

Sarah dût se retenir pour ne pas toucher la peau du cadavre avec un bâton. Elle attendrait le dossier du légiste pour savoir si on l'avait achevé de la manière qu'elle pensait. Ce n'était pas une bonne idée de rajouter des choses sur le corps, même si c'était aussi léger qu'un contact avec du bois.

"Très honnêtement White Muse je pense que Sawada est mort. Tout me laisse à croire qu'il est venu faire grimpette ici, qu'il est tombé sur quelqu'un de beaucoup plus dangereux que lui et qu'il s'est fait tuer. Avec sa blessure au flanc il n'avait aucune chance. Et, entre nous, je pense qu'on ne retrouvera pas son cadavre."

La jeune femme se redressa. Cette affaire était bizarre. Quelqu'un tentait d'éloigner les gens de ce flanc de montagne, ça c'était évident, et il était visiblement assez motivé pour se débarrasser d'eux si ils allaient trop loin. C'était extrême, surtout dans un pays ou la peine de mort était toujours de vigueur. Un criminel professionnel faisait attention à ce genre de chose. Si on tuait ici, ça voulait dire que quelque chose de très important était planqué dans le coin. Quelque chose ou quelqu'un.

Le Japon n'avait pas beaucoup d'évadé de droits commun mais ça valait le coup de fouiller dans la liste des déments, juste pour être sûre.

"On ne devrait pas rester ici. C'est une scène de crime, et notre présence la souille. Mieux vaut refiler la piste aux Japonais et sortir d'ici."

Sarah se dirigea vers la sortie sans sourciller. Elle se calla contre "l'ouverture" qu'elle avait explosée dans la montagne, sorti son portable et informa la police en route de la macabre découverte. Elle indiqua le sexe du cadavre, fit une brève description des lieux et plaça les grenades restantes dans une petite pochette. Tout ce que les deux héroïnes avaient à faire désormais c'était d'attendre la police scientifique. Après tout, mieux valait ne pas quitter la scène de crime.

Quelqu'un pourrait décider de passer à l'improviste.

"D'une collègue à une autre Axelsson, est ce que cette affaire est particulière pour toi ou est ce que tu comptes t'impliquer plus souvent dans des opérations de terrains ?"

Elle était toujours aussi direct, la Mindfeel. Mais elle avait sans doute raison, on ne disparaissait pas plusieurs mois sans laisser de trace pour être retrouver en pleine santé. Tsunayoshi était probablement mort et on avait disposer de son corps d’une façon ou d’une autre. White Muse soupira. Elle avait beaucoup à apprendre, malgré ses années d’expériences en Suède, la réalité était différente ici apparemment, le monde plus dur. Maintenant, que devraient-elles faire?

Appeler la police et attendre leur arrivée. Soit, c’était une idée potable. L’américaine était très cartésienne et ça se voyait. Un peu trop peut-être. Mais bon, elle avait l’expérience du terrain et ça se voyait, Sophia n’était en mesure de rien y redire, après tout. Ils sortirent donc de la tanière après avoir jeter un dernier regard pour s’assurer que personne n’y était caché quelque part.

Une fois sortie à l’extérieur et le dos appuyé sur la paroie rocheuse, Mindfeel vaqua à ses occupations pendant que Sophia sorti son téléphone, regardant sur le HN si d’autres interventions n’auraient pas besoin de son aide. Elle était épuisé physiquement et émotionnellement, elle devrait plutôt rentrer se reposer, mais elle avait encore besoin de faire ses preuves. Pour le public, mais surtout pour elle…

Au même moment, Mindfeel lui posa une question qui, étonnement pour l’américaine, était plutôt pertinante. Abaissant un peu son téléphone, son regard se perdant dans le ciel, elle réfléchit à sa réponse.

- Cette affaire en est une parmi tant d'autres, si on veut… Je ne connaissais pas Sawada, ni sa famille. Sa disparition est survenue avant même mon arrivée ici. Mais…

Elle prit une profonde respiration. D’une collègue à une autre hein.

- En bossant pour une puissante agence internationale, tu n’en as peut-être pas conscience, mais faire son nom en tant qu’héros pro, c’est pas facile… Au Japon encore plus qu’ailleurs, vu la concentration… Ce genre de coup d’éclat, réussir où d’autres ont échoué avant… Ça te démarre une carrière comme rien d’autres.

Elle ramena son regard sur Mindfeel, la fixant dans les yeux.

- Oui, je compte continuer de faire du terrain. Sous quelle forme et en travaillant vers quels objectifs, je ne le sais pas encore, par contre. Je dois faire ma niche, ce qu’on ne m’a jamais laissé l’occasion de trouver auparavant…

"Héhé..."

Prouver sa valeur hein ? Marrant comme objectif. Axelsson ressemblait de plus en plus à une étudiante héroïque ce qui, au vu de son absence complète de carrière, n'avait rien de surprenant. Pouvait-on vraiment la considérer comme une héroïne ? Comme quelqu'un d'héroïque ? Héroïque... Ce terme ne voulait rien dire en lui-même de toute façon. C'était une façon de s'habiller et un certain rapport avec le public mais, à part ça, ça n'avait aucun fond concret. Aujourd'hui, tout se retrouvait calé d'un label héroïque. Plus Sarah y pensait, plus ça la faisait rire.

Elle vivait vraiment dans une époque absurde.

"Est-ce-que tu es prêtes à supporter ça ?"

L'américaine releva la tête. La suédoise avait l'air d'un chaton à peine sevré et, plus elle y pensait, moins elle la voyait survivre à quelque chose de vraiment dangereux. Sophia dans un attentat ? Sophia dans une catastrophe naturelle ? Sophia frappant un criminel, un contrevenant, un évadé de prison ?  Impossible, complètement improbable... S'en était presque comique à ce stade, MAIS.

Mais ?

Mais pourtant aujourd'hui elle était là.

Il y avait quelque chose de suicidaire chez White Muse, et Sarah ne savait pas vraiment comment l'interpréter.

"Je vais être franche Axelsson, je sais que tu ne m'apprécies pas vraiment."

Lincoln avait perdu son sourire.

"Je suis désolé, mon Alter est un connard à ce sujet, mais tu es bien trop importante pour que je fasse comme si je ne savais pas. Mon petit doigt me dit que tu me trouves trop frustre, trop cynique et trop violente. Je peux comprendre, je suis la première à reconnaître que ne suis pas une personne équilibrée mais, comme tu l'affirmes si bien toi même, je suis aussi le produit d'un environnement. Je passe mon temps à me battre dans les sociétés les plus barbares de la planète et je ne suis pas certaine que..."

La jeune femme se stoppa nette. Son visage, de plus en plus inexpressif, se figea dans ce qui ressemblait à un certain détachement. Sarah n’était pas folle. Elle savait mieux que personne l’impact que les mots pouvaient avoir sur les gens. Il n’était pas question d’empêcher Axelsson de devenir quelqu’un d'intéressant, mais de la mettre en garde.

"Non, ce n'est pas comme ça qu'il faut que je le dise. Je ne veux pas te dissuader d'arrêter le mannequinat Axelsson, je veux juste que tu fasses attention."


Dans le milieu des flics, des sauveteurs et des soldats, la suédoise était encore un enfant. Malheureusement pour elle, le réel, lui, ne l’était pas. Sophia n’avait pas la carrure.

Pour le moment tout du moins.

"Trouve un partenaire. Trouve un psychiatre. Trouve une équipe de soldats-sauveteurs japonais qui ont de la bouteille, fais-toi embaucher et cale-toi sur ce qu'ils font. Force ton subconscient à assumer que 70% de ton nouveau boulot consistera à arriver après le massacre et que, au passage, il n'y a rien de plus normal qu'un enfant découpé sur le sol. Fabrique toi des nerfs en kevlar, protège ta santé mentale, et prépare toi à voir le pire de la race humaine parce que, ce qu'on a découvert aujourd'hui, ça n'a aucune importance. Les gens normaux sont capables de bien pire que ça."

Sarah désigna brièvement la grotte d’un mouvement de menton avant de s’adosser contre la montagne, une fois de plus. Peut-être que White Muse allait bien le prendre, peut-être pas, dans les deux cas elle s’en foutait. Elle avait une réputation de connasse depuis le berceau, un grognon de plus ne changerait pas grand chose. Personne ne reprochait vraiment à Mindfeel d’être trop bourru.

Après tout, d'où elle venait, c’était un signe d’affection.  

"Je suis ce que je suis parce que je fais ce que je fais Axelsson. Si tu commences à faire le même métier que moi tu n'auras pas d'autre choix que de devenir un peu, bah... Un peu comme moi. Surveille tes arrières."