Le fantôme de Baskerv'Île [NON-CANON]

Entouré par une brume oppressante, le navire avançait en direction de cette île perdue dans l’océan. On y racontait que depuis peu, un spectre hantait cette terre.
Le fantôme de Baskerv’Île.

« Grand-frère.
- C’est "Capitaine", corrigeait-il.
- On a retrouvé une carte de l’île. »

Le dit capitaine était à l’avant du bateau, un pied posé sur sa proue, regardant leur destination se faire de plus en plus nette à travers le brouillard. Ils allaient arriver très bientôt. Derrière lui, une fille de même taille, mais avec quelques années d’écart. Petite sœur du capitaine, elle est aussi canonnière de l’équipage. Bien qu’elle n’ait jamais touché à un canon, et que le bateau n’en disposait même pas.

« Merci Lucie », fit-il en se saisissant de la carte et en l’ouvrant tel un parchemin.

Il l’observa un instant et se tourna vers la personne aux commandes de la barre.

« Mom, on va longer la droite, il y a un petit port où on pourra accoster.
- Très bien mon ange, répondit-elle chaleureusement.
- C’est "Capitaine"… », corrigeait-il encore d’un air las.

Elle orienta la barre dans la direction indiquée, suivant les instructions.

Le bateau accosta et le trio débarqua, laissant derrière eux le Giant Ben. Une auberge se trouvait juste à côté, dans laquelle ils se dirigeaient. L’ambiance à l’intérieur était un peu lugubre, c’était mal éclairé et l’une des ampoules clignotait.

« Bonjour, on cherche des infos sur le fantôme de Baskerv’Île », demanda-t-il au barman alors qu’il tentait d’escalader cette chaise un peu trop haute pour lui.

L’homme qui se tenait derrière le bar baissa les yeux vers lui et le regarda d’un air stupéfait.

« Mais vous êtes ! »

Après avoir réussi à s’installer, il put constater la surprise qui se lisait sur le visage de son interlocuteur.

« Vous êtes le pirate Léo Oxton, le capitaine des Time Breakers ! Celui qui malgré sa taille a commis les pires méfaits, et est connu sous le nom de Child Pirate ! Vous vous êtes introduits dans un immeuble désaffecté, vous avez attendu un an pour offrir une pizza à votre ami, et vous avez laissé mour… »

L’instant suivant, un crochet doré se trouvait sous le cou du tenancier. Le dit « Child Pirate » avait un pied sur sa chaise, un sur le bar, et le crochet au bout de son bras droit caressait sa gorge. Les autres clients se turent eux aussi, formant un silence général.

« Pas un mot de plus. J’ai posé une question claire, je n’ai pas besoin qu’on fasse ma biographie », menaçait-il d’un ton très agacé.

Il y eut quelques secondes de vide, puis le barman baissa les yeux et remonta ses lunettes. Il savait qu’il valait mieux pour lui qu’il se contente de répondre.

« Les rumeurs disent que ce fantôme erre dans les cavernes au nord. Bien sûr, personne de fiable n’a pu confirmer sa réelle existence. Les habitants de Baskerv’Île n’osent plus s’approcher de cette partie de l’île depuis. »

C’était déjà pas mal. Léo éloignait le crochet de la gorge, puis tourna les talons avant de bondir vers le sol. D’un cou de son pouce, il balança une pièce en arrière en guise de pourboire, sans se retourner.

* Mince je me suis énervé, j’espère qu’Iku m’en voudra pas. *

Une fois dehors, Léo consulta une nouvelle fois la carte.

« Le nord donc.
- C’est par là-bas », indiqua la petite sœur en pointant du doigt une direction.

Le groupe traversa alors l’unique ville qui se trouvait sur l’île. * C’est marrant, on dirait Londres, y’a même Big Ben. Et puis le temps était très moche. * Il se sentait comme chez lui en marchant dans ces rues. Une aise qui n’était pas partagée avec les habitants, qui se tenaient bien à l’écart. Peut-être parce qu’il portait un chapeau de pirate qui arborait un symbole de jolly roger en forme de yo-yo, fait maison par sa tendre mère. C’était probablement effrayant.

Ils s’étaient éloignés de la ville, se dirigeant vers le nord. Plus ils avançaient, plus le brouillard s’épaississait.

« Ne vous éloignez pas de moi.
- Comprendido.
- Eh ? »

Il se retourna brusquement. Mais ne vit rien. Ce n’était pas la voix de sa sœur. Ni de sa mère.

« Tu me reconnaito passo ? » fit la voix d’un ton moqueur.

Il ne connaissait qu’une seule personne qui parlait espagnol, de façon si provoquante. Il regardait autour de lui, ne comprenant pas d’où elle venait. Il entendit un craquement dans une direction, et se tourna vers celle-ci pour s’y diriger d’un pas lent et prudent.
Puis d’un coup.
Un crâne vert fonça à grande vitesse sur lui comme pour lui sauter au visage. Un jumpscare. Le capitaine Léo tomba en arrière en criant. Mais. Il n’y avait personne. C’était… rien du tout ?

* C’est peut-être une brume qui matérialise les peurs, j’ai déjà entendu parler de ça dans des fictions. *

C’était… peu rassurant.
Un doigt toucha son épaule, le faisant instantanément sursauter.

« Saluto pequeño. »

Il se retourna et bondit en arrière, reconnaissant maintenant clairement la super-vilaine Iluminación. D’un coup de crochet, il envoya le yo-yo qui y était attaché pour balayer devant lui et la frapper. Le coup échoua complètement, passant au travers d’elle comme si c’était… un fantôme.

« Il y a quelqu’un de proche, Léo.
- C’est CA-PI-TAINE, et je sais déjà ça ! »

Après une ou deux secondes de latence, il regarda en arrière et aperçut Lucie dos à lui. Elle était réapparue comme si elle n’était jamais partie. Se remettant les idées au clair, il se rappela des pouvoirs de perception surnaturels de sa sœur.

« Elle est où ?
- Bah juste devant moi. »

La vilaine apparut au même instant et brandit une lame lumineuse du bout de sa main. Léo se rua pour l’intercepter avec son crochet. Un bras de fer s’engagea et dura plusieurs longues secondes. La faible portée de son crochet rendait le tout très dangereux, s’il faiblissait un peu trop, sa tête était directement tranchée. Son bras tremblait, il allait probablement être celui qui fatiguera en premier.

« Alors qu’est-ce que tu vas fairo ?
- Ça peut pas être toi le fantôme.
- Pourquoido ?
- Bah t’es pas morte.
- C’est vrai. »

Elle disparut en fumée.

« Bah oui c’était pas logique en fait.
- Bravo Léo ! »

Il soupira.
Peut-être que ça aurait été mieux qu’elle soit le fantôme de Baskerv’Île, ça aurait peut-être voulu dire qu’elle serait bloquée ici. C’était ce qu’il pensait en tout cas.

Les adelphes avançaient encore, arrivant à l’entrée d’une caverne. La main de Lucie fut prise par celle de son grand-frère, et ils s’y enfoncèrent.

Le brouillard était bien moins dense à l’intérieur. Il était juste absent, en fait. En revanche, il y faisait assez sombre, mais pas assez pour les empêcher de voir où ils marchaient. Et pas assez pour les empêcher de voir… des fantômes. D’une forme générique, leur sourire laissait pendre une langue, et ils observaient le duo avec des yeux noirs et ronds.

* Boooouuuuhooooouuuuhhh *

La petite sœur criait, serrant le bras de son frangin.

« Ça va aller, je ne pense pas que l’un d’eux soit le fantôme de Baskerv’Île », rassurait-il de façon très détachée.

Les spectres dansaient autour d’eux, s’approchant de plus en plus. Léo continuait d’avancer, mais Lucie commençait progressivement à s’immobiliser.

« Bon alors parlons d’autres choses pour te faire oublier. Si Aslinn rejoint les Time Breakers, tu penses qu’elle aurait quel rôle ?
- Vigie ?
- Oui.
- Merci grand frère, ça va mieux.
- C’est Capitaine. »

Maintenant galvanisée, ils purent avancer en ignorant les fantômes qui tentaient tant bien que mal d’attirer leur attention.

« Booouuuhhhoooouuuuhhhh… »

Une voix différente. Léo pensait la reconnaître, mais n’arrivait pas à la situer.

« C’q’t’es pas très réactif toi… »

Il connaissait peu de personnes qui parlaient ainsi de façon si marquée. Devant lui se formait la silhouette d’une femme assez grande et la peau grisâtre.

« F-Factory ?
- Oui c’moi.
* Factory est morte alors elle peut être le fantôme de Baskerv’Île en fait. *
- J’viens te hanter, pa’c’que tu m’as laissé mourir.
- Hein, mais non, c’est… »

Si, en fait il savait que c’était de sa faute. C’était son plus grand méfait en tant que pirate.  L’héroïne tendit son bras, et il se métamorphosa en une perceuse. Puis elle bondit un instant après vers le capitaine pirate. Surpris par cet assaut, il ne put qu’essayer de rapidement parer l’attaque. Un bras de fer qui partait bien moins bien que celui contre Iluminación.

« Et donc vous voulez ma tête maintenant… ? »

Les choses n’allaient que s’empirer. Elle posa sa main sur le crochet, et celui-ci commençait à disparaître. C’était son pouvoir ! Factory pouvait absorber le métal pour le réutiliser. Léo bondit en arrière, abandonnant son arme. Il regardait sa main droite, et l’ouvrit en grand avant de la fermer. Bon, ça allait être embêtant, mais au moins son corps allait bien. Et sur l’autre bras de Factory, ce même crochet se matérialisa pour remplacer sa main.

« Et maintenant ? »

Qu’est-ce qu’il pouvait faire ? C’était un fantôme, pouvait-on le vaincre ? Et puis, qu’est-ce qu’il voulait faire d’ailleurs ? Il n’allait pas essayer de la tuer une deuxième fois quand même. La calmer ? Ça semblait compliqué. Il fallait qu’il comprenne un peu mieux ce qu’il se passait.

« Qu’est-ce que vous voulez ?
- Ta tête. »

Bon.

« La vengeance… »

Il n’aurait pas imaginé qu’un jour quelqu’un voudrait se venger de lui. Plus précisément, quelqu’un qu’il avait admiré, et à qui il ne voulait le moindre mal. Léo laissait montrer le doute qui le prenait.

« S’tu regrettes vraiment c’que t’as fait, il y a une façon d’réparer ça, Léo.
- Quelle est-elle ? »

Elle le pointa de sa perceuse.

« S’tu m’donnes ta vie, je ressusciterai. »

Il écarquilla les yeux. Il… n’avait pas envisagé ça. Qu’est-ce qu’il devait faire… ? Déjà, disait-elle vrai ? Dur à dire mais avait-elle une raison de mentir ? Et puis, c’était un crime qu’il regrettait. S’il pouvait le réparer, est-ce que ce n’était pas ce qu’il souhaitait ? Il commençait à s’avancer vers elle, sans montrer d’animosité.

« Bien. Un héros est censé sauver des vies après tout. »

Oui, c’est ça. Un héros était censé sauver des vies. Il voulait être un héros, alors c’était logique de donner sa vie pour sauver quelqu’un.
…
Un instant.
C’était logique qu’un héros donne sa vie pour sauver des gens. Mais elle... Quelque chose clochait.
Et maintenant qu’il y réfléchissait, c’était très bizarre qu’elle l’appelle par son prénom plus tôt.
…

Léo fronça les sourcils. Il réunit ses paumes l’une contre l’une d’un mouvement sec.

« Assez rigolé.
- Mh ?
- Time Breaking Hissatsu… »

Sa voix était calme. Il baissait les yeux vers ses mains, qu’Il éloignait progressivement. Entre les deux se formait une petite sphère translucide. Le voile qui l’entourait semblait tourner autour, à un rythme qui s’accélérait. Le peu de luminosité de la grotte se retrouvait comme absorbé. On put voir se relayer les différentes couleurs de l’arc-en-ciel, alors que la sphère grandissait. Jusqu’à ce qu’une seule ne reste. Ou plutôt, qu’aucune couleur ne reste.
Léo relevait ses yeux sérieux vers la personne qui lui faisait face, cette dernière ayant un mouvement de recul.

« Black Hole. »

Le sol commençait à trembler. Mais cela ne prit que quelques secondes avant d’être interrompu par une autre voix.

« Ok ok je me rends ! »

Le tremblement s’arrêta, et la sphère disparut. La mine de Léo mêlait ennui et agacement.

« C’était une très mauvais blague. »

L’héroïne perdait quelques centimètres, et sa forme générale changeait, laissant apparaître un homme aux cheveux verts.

« Puisque tu peux distordre l’espace, c’est vrai que tu peux prendre l’apparence d’autres personnes. Dad.
- Pris la main dans le sac, fit-il en se laissant tomber sur les fesses. J’étais comment ?
- Terrible », répondait-il avec franchise et non-amusement.

Il se mit à rire tout seul.

« Et les autres savaient ?
- Non, ils n’auraient pas été aussi bon acteurs que moi.
- J’en doute, soupirait-il en croisant les bras.
- Tu as retenu une bonne leçon en tout cas, non ? »

Le fils fit comme s’il ne l’entendait pas. Il avait envie de sortir son meilleur « Gnagnagna ». Le père Oxton avait perdu toute l’attention de son fils.

« Léo, c’est l’heure. »

Il se retourna et aperçut sa mère, qui semblait avoir toujours été là.

« C’est CA-PI-TAINE ! », corrigeait-il avec énervement.

Il y eut un bref blanc, avant que la mère ne reprenne.

« Dis donc, on va baisser d’un ton.
- C’est moi le capitaine de ce bateau, alors vous devez m’appeler capitaine, c’est tout, insistait-il.
- Eh bien le capitaine va se dépêcher d’aller prendre son petit déjeuner avant d’être envoyé aux piranhas. Lucie, prépare-moi un seau d’eau s’il-te-plaît. »

Hein ? Léo était sincèrement confus. De quoi ellle…

Il ouvrit les yeux, haletant, et se redressant d’un coup.
Il était sur son lit, le vrai, à Tokyo. Juste à côté de celui-ci se trouvait sa mère, mains sur les hanches. Aucun seau en vue. Fiou.

« Tu remercieras Lucie de t’avoir fait gagner du temps en te préparant ta part », dit-elle avant de quitter la pièce.

Heureusement qu’elle ne l’avait pas repris sur la façon dont il lui avait répondu.

Dégustant son petit déjeuner tout en repensant à ce rêve, il se rendait compte que rien ne faisait sens. Toutefois, il mettait sûrement en avant ce qui le préoccupait inconsciemment. Il s’en voulait peut-être toujours pour ce qui était arrivé en début d’année…