T'es bien loin de chez toi [PV Satoru]

“Vous m’avez vraiment pas reconnue, du coup. Je suppose que je ne suis pas aussi célèbre que je pensais.”

Elle avait toute mon attention la demoiselle. Fuck ma santé, j’avais instantanément ouvert mes sens à la recherche d’un signe qui me permettrait de la reconnaître. Me préserver ne servait à rien si c’était pour crever assassiné.

Sa phrase ressemblait trop à une phrase de grand méchant de série B. Le genre de méchant qui dirait “Tu ne me reconnais pas? Je pensais que tu te souviendrais de celle qui a assassiné ta famille” suivi pas un rire nasal.

Sa voix me disait quelque chose, son apparence me semblait familière… mais je pouvais juste être déjà habitué à la voir et à l’entendre?

J’avais pas d’armes sur moi, mais j’avais la supériorité physique, je tachais de ne pas laisser paraître ma tension soudaine tout en restant aux aguets.

“Je suis reporter.”

AH! Bah si j’ai pas de bol moi. D'abord un flic, puis une journaliste, faut croire que j’attirai les fouines. Si elle voulait me faire du mal ce serait plutôt à coup de clavier qu’autre chose, aussi je relâchai mon alter.

“Et sans aller jusqu’à dire que j’aime le danger, j’aime pouvoir enquêter sur les sujets que je trouve intéressants, et certains s’avèrent être dangereux. Le pire que j’ai fait c’est sans doute le documentaire sur la guerre contre le crime au Mexique, qui a vraiment tout de la guerre ouverte.”

J’avais un tableur répertoriant les héros mais pas pour les flic, les journalistes, les pompiers et autres corps de métier de l’ordre du civil. Une erreur? Pour tout dire, j’avais jamais eu suffisamment à faire à eux pour les identifier comme une potentielle menace, le fait qu’ils ne puissent pas utiliser leur alter les rendaient un peu tous égaux à mes yeux.

Avec les infos qu’elle venait de me passer je pouvais très facilement connaître son identité. Aussi, plutôt que de rester dans l’ignorance, je saisis habilement mon téléphone avant d’y écrire quelques mots clef dans la barre de recherche. Un visage féminin apparut aussitôt. La couleur des yeux et des cheveux correspondait, la forme du visage aussi, j’avais déjà vu cette image avant, elle venait d’un reportage réalisé suite à l’apparition des Nomus à Hosu, cette personne était en effet relativement connu, comment j’avais pu manquer de la reconnaître à ce point?

C’est toi?

Mon attention était revenue sur Miss Yokohama alors que je lui montrais l’écran lumineux sur laquelle apparaissait la fameuse photo juste à côté du nom et de la fonction de la reporter.

“C’est bien moi. Mais ne t’en fais pas, je n’ai aucune intention d’écrire quoi que ce soit sur toi.”

Je lui répondis d’un sourire. J’imagine que certains vigilants apprécieraient d’être interviewés par une grande reporter comme ça, que ce soit sous leur identité de vigilant ou même anonymement. Cette idée me semblait stupide, la ligne entre vilain et vigilant est inexistante du côté legale et si on ne nous chasse pas activement c’est probablement parce que, à la manière d’une colonie de chats errants, les bénéfices que l’on apportent sont supérieurs aux inconvénients.

Mais imaginons qu’un vigilant devienne une star des médias, est-ce que ça n’encouragerait pas quelques ados ayant raté leur admission en voie héroïque à essayer de chasser le crime avec leur alter éclaté au sol? Un gamin déguisé en All Might se fait zigouiller dans une ruelle, ça fait la une des journaux et BAM. On se retrouve avec une flopée de Mustang qui nous tombent dessus à la moindre intervention que l’on tente de réaliser.

Un bon vigilant est un vigilant que personne ne remarque.

Par contre, je peux te signer un autographe si tu veux. … Je n’ai pas emporté de carte de visite, donc il faudra se contenter d’un coin de serviette en papier.

Mon eau tonique était glacée, de la condensation s’était formée autour de la canette et je frémissais de bonheur rien qu’à l’idée de siroter ma boisson.

“Un autographe? Mais carrément que je veux!”

Genre elle va me passer sa signature comme ça? Vu qu’elle était fameuse c’était probablement facilement trouvable sur le web, mais je vais pas dire non pour un original, je pourrais l’ajouter à ma boite de “trucs potentiellement utiles un jour”.

“Attends, j’ai peut-être un truc”

Mes lunettes de soleil me gênaient pour voir au fond de mon sac. En temps normal j’aurais juste utilisé mon alter mais… ouais, j’avais pris cette interdiction très au sérieux. Je m’arrêtais une demi seconde pour réfléchir. Est-ce que c’était si grave que ça qu’elle ai mon visage? Je veux dire. J’étais certes identifiable, mais d’un autre côté c’est pas comme si Satoru était connu.

Finalement je posai ma casquette et mes lunettes de côté avant de poursuivre mon exploration. La boite a biscuit pokémon était toujours coincée entre deux bouteilles d’eau et quelques babioles. Un cahier de croquis était glissé contre le dos du sac, je le posai sur la table avant de fouiller le fond du sac à la recherche d’un stylo.

Rien.

“J’ai du papier mais pas de stylos”

Il semblait que le spectacle se soit terminé dehors, le brouhaha s’était calmé et la foule se dispersait peu à peu dans la rue. Certains semblaient divaguer à la recherche d’un coin où s’abriter de la chaleur infernale.

Je saisis machinalement le cahier à spirales, l’ouvris par la fin et en arrachai une page blanche que je tendis à la fameuse Natalya.

“Tu as de quoi écrire?”

Hum, pas de stylo… Well, why not, j’imagine que ça fait un bail que les journalistes n’utilisent plus le calepin classique que l’on trouve dans les vieux films.
Cela dit, elle avait bien un truc qui pouvait se rapprocher d’un stylo dans la poche de son manteau, peut-être un couteau?

“Tant pis, ce sera pour la prochaine fois. Comme ça, on sera obligés de continuer les entraînements !”

J’esquissai un sourire et m’appuyai contre le dossier de ma chaise tandis que la serveuse déposait les plats sur la table. Je bu quelques gorgées de ma boisson en attendant qu’elle s’en aille puis je me jeta sur les patates croustillantes.

“Deal. On continue les entraînements, tu me files un autographe et la prochaine fois qu’un mexicain te fait chier tu lui pètes le crâne de ma part. Hahahaha.”

Je n'avais pas vraiment de notions des affaires internationales. Je bossais bien pour quelques boites à l’étranger, mais on parlais pas vraiment d’autres choses que de plans marketing ou autres conneries du genre.

Par contre, je savais qu’on avait une mexicaine problématique en ville. Les cheveux blancs qu’elle m’avait laissé faisaient office d’une sorte de memento morri. Une bonne façon de me rappeler que ne jamais sortir sans être armé, voire même ne jamais sortir tout court, ne m’empêchera pas de crever à la fin, alors pas besoin de stresser à cause du néon ambulant.

Et puis le plus important, il faut le dire, c’est que l’hamburger était vachement bon.