Pluie d'é-toiles (PV Hanna)

Ann considéra la proposition. Se caler sur le dos de sa camarade, se laisser porter, économiser ses forces et partager leur chaleur, c’était un bon plan en effet. Et elle pourrait se glisser sous les couvertures isothermes, qui les protègeraient ainsi toutes les deux. Si elles avaient gardé leur formation initiale, ça aurait été le meilleur plan possible. Mais maintenant, c’était à elle d’être active, et à Hanna de donner les directions. Donc c’était à elle d’ouvrir le chemin et à elle de faire… les choses. Elle secoua donc la tête au moment de franchir la porte et affronter le froid.

“Ça ira ! Il faut juste que je reste en mouvement sans m’arrêter pour faire circuler mon sang et générer de la chaleur !”

Une solution qui allait l’épuiser beaucoup plus vite, mais elles n’en avaient plus pour très longtemps, et une fois cet exercice fini, elle aurait amplement le temps de se reposer. C’était du moins ce qu’elle espérait. Une fois de retour dans la tempête artificielle, le froid lui attaqua la peau, les poumons, les yeux, les oreilles, tous les sens et jusque dans ses os. Même en se forçant à marcher en levant les genoux, à bouger ses bras de façon exagérée à chaque pas, le froid s’insinuait en elle à toute vitesse sans rien pour la protéger. En deux minutes, ses dents grelottaient. En cinq, ses articulations semblaient molles et résistaient à ses mouvements. En dix, elle ne sentait plus ses pieds quand ils touchaient le sol.

“M-m-m-mais qu-qu-quel e-e-enfer…”

Elle murmurait même entre ses dents, et se soufflait dans les mains pour les réchauffer et protéger leur mobilité. Mais quand elle se plaignait, elle s’assurait toujours que sa camarade ne l’entende pas. C’était son idée d’avoir poursuivi l’exercice au lieu de rentrer. C’était son idée d’avoir donné les deux couvertures à Hanna. C’était donc son problème, et à elle de souffrir pour ses décisions. Même si elle devait s'évanouir pour ça, elle ne demanderait pas d’aide. Pour commencer, elle arrêta de mettre les pieds dans la neige. Grâce à ses ancres, elle pouvait s’accrocher à la couche solide du sol et poser les pieds au-dessus de l’étendue blanche, comme s’ils flottaient à quelques centimètres. Perchée ainsi, elle était presque aussi grande que l’étudiante arachnoïde, et le souffle du vent lui gelait légèrement moins les jambes que la neige.

Puis enfin, elles arrivèrent. Hanna lui fit signe que la victime ne devait plus être loin. Enfin ! Fut la première chose que pensa Ann. Il était plus qu‘amplement temps. Et maintenant, il était trop tard pour regretter sa décision et demander à faire demi-tour. Il fallait en finir et passer à autre chose. Vite. A commencer par trouver cette fichue victime. Interstellar poursuivit donc sa marche, mais désormais sur place. Et à chaque pas, elle posait le pied un peu plus loin du sol, un peu plus haut dans le ciel, jusqu’à avoir assez de hauteur. Trois ou quatre mètres, pas plus, sans quoi le brouillard blanc l’empêcherait même de voir le sol. Une fois là-haut, elle balaya les alentours du regard en continuant de bouger pour se réchauffer. Et finalement, elle remarqua une silhouette sombre.

“L-l-là !”

Son doigt fusa dans la direction du mannequin. Puis, parce qu’elle n’était pas certaine qu’Hanna puisse la voir ou l’entendre de si haut, elle se laissa retomber de quelques mètres.

“I-i-il est p-p-p-par l-l-l-à. Qu-qu-qu’est-ce que j-j-j-je f-f-f-fais ?”

Sans attendre la réponse, dont elle se souvenait de toute façon vaguement, elle s’élança aussi vite que ses genoux frigorifiés et engourdis lui permettaient vers leur seconde victime.