[STAGE] Chez Pyrus [Glaucos]

Stage

Ft : Les dés

Dodo tôt, levé tôt, quelques révisions pour la gymnastique mentale, un petit bain de soleil pour la santé et j’enfourchais mon vélo direction Matsudo. C’était à une bonne heure de Shiketsu, un parfait exercice pour parfaire mon échauffement physique et psychologique au vu d’une nouvelle journée de stage en compagnie du plus grand lunatique du Japon: Pyrus.

J’avais beau forcer sur les pédales au-delà du necessaire, impossible de calmer le flux de pensés incessant qui venait inonder mon esprit. Le temps que j’abandonne mon fidèle destrier dans le local à balais de l’agence, j’avais déjà imaginé 114 situations que je pourrais potentiellement avoir à affronter en cette belle matinée, ainsi que l’état d'esprit qu'il me faudrait adopter pour ne pas péter les plombs.

Il était 7h58 quand je sortais des vestiaires, vêtu de mon costume héroïque sur le dos lesté des 5 litres d’eau, paré pour l’action. La barre verticale connectant les étages était vachement pratique tant pour descendre que pour monter, autant dire que je me présentai parfaitement à l’heure et parfaitement prêt à affronter les caprices du héros.


Le tintement de la clochette s’estompait alors que je faisais coulisser le battant derrière moi.


Aucun des 114 scénarios que j’avais envisagés m'avaient préparés à ça. C’était... inattendu! C’était... stressant… Suffisamment pour me tordre l’estomact et me rendre la vue de ce petit dej à moitié entamé, vachement désagréable. Mais bon, fidèle à moi même je tachais d’afficher une mine neutre, et réalisait un petit hochement de tête en remerciement avant de remplir un bol d'une cuillère de riz.

Un échange de banalités s'ensuivit. Non je n’avais pas de courbature, non je n’avais jamais peint de plafond avant par contre j’ai déjà récurer un gymnase, ouais ça doit surement se récurer de la même façon qu’une caserne, pourquoi?

La conversion se dirigeait vers un terrain pour le moins glissant et savonneux quand l'attention de Pyrus se reporta sur son téléphone.


Bah, besoin de m'en dire plus, je m’étais levé comme un ressort et avais aussitôt entrepris de réunir les bols sales sur un plateau.


Si c’était vraiment le cas, il ne m’aurait pas demandé de faire la vaisselle… si? Je préférais ne pas le savoir , je pressai donc le pas. Il ne me fallut pas plus de trois minutes pour accomplir ma tâche et me rendre au rez-de chaussé où j’eu le loisir d’attendre mon maître de stage.

Stage

Ft : Les dés

Et il avait pris son temps le héros. J’étais prêt à retourner au deuxième étage lorsque le crissement caractéristique de la peau sur le métal m’avertit de l’arrivée de Pyrus. Sans un mot il grimpa dans sa camionnette rouge, je le suivis sans poser de questions. Le rideau de fer de l’agence se leva pour nous révéler un rideau de pluie. Ce que j’avais eu à affronter pour venir n’était qu’un pipi de chat en comparaison avec le torrent qui s’abattait à présent sur la ville. J’étais plutôt habitué aux grosses pluies tropicale et je les aimais bien, elles étaient synonyme pour moi de grosse quantité d’eau potable et d’opportunité de laver tout un tas de trucs sans trop me préoccuper du gaspillage.  

En ville, l’eau n’était pas si précieuse que ça et je mis le soupir du héros sur le compte du fait que, pour les citadins, la pluie représentait avant tout un inconvénient: celui de se faire mouiller… Et de se retrouver dans des embouteillages. La visibilité était tellement pourrie que les voitures devaient rouler à deux à l’heure et je pouvais sentir l’impatience de Pyrus empiété sur son innatendue bonne humeur matinale.



J’avais eu tout le loisir d’observer les dégâts causés par la pluie durant ma petite balade à vélo.



Oh. Hum. Okay. C’est vrai qu’il y avait déjà pas mal de monde sur place, c’est d'ailleurs ce qui avait attiré mon attention.


J’étais passé devant une sortie de métro en quittant Shiketsu, l’escalator était en panne à cause de l’e…


Heu…


C’était plutôt un job de pompier ça, mais Pyrus semblait qualifié à…


On allait vraiment jouer à ça?


Le vent avait soufflé fort cette nuit et je m’étais retrouvé à pédaler les pieds dans l’eau à un moment, les bouches d’évacuations ayant été obstruées par les feuilles et les…


Oh fait chier.







J'abandonnai et laissai tomber ma tête contre le dossier, mon attention reportée sur le paysage. Pyrus avait quitté la route principale pour suivre une rue qui s’engageait dans un quartier résidentiel. La voie était en pente douce et j’avais la certitude que j’aurais facilement pu la descendre en kayak.

La camionnette freina brusquement lorsqu’elle s’engouffra dans la marre qu’était devenue la partie basse du quartier.


Une bouffée d’angoisse m'envahit en sentant les vibrations de l’eau contre la carlingue du véhicule.


Donc impossible de faire demi-tour. Je me saisit rapidement de mon téléphone afin d’obtenir une carte de la région, mon cœur se serra en voyant que je ne captai pas. Retour aux sources.


J’avais posé la question tout en fouillant les divers compartiments que j’avais à portée de main.


Mes doigts avaient rencontrés le rectangle de papier au même moment. Sous mes pieds je pouvais sentir l’eau racler contre le fond de la camionnette. J’avais réussi à trouver le nom de la rue dans laquelle nous nous situons ainsi que la transversale que nous venions de croiser. Mes mains tremblaient, mais ma voix était étonnamment calme.



Sur quoi il poussa un soupir qui m’intima le silence. Si j’étais un touriste à Matsudo, Pyrus, lui,  y travaillait depuis des années. Pour qui je me prenais à questionner ses décisions? Il savait certainement ce qu’il faisait! … Du moins c’est ce que je me disais jusqu’à ce qu’il s’engouffre dans la troisième à droite, se retrouve face à face à une voiture et soit obligé de piler, événement rapidement suivi par les derniers soupirs du moteur.

Je gardai le silence et tachai de ne pas croiser son regard.

Stage

Ft : Les dés

Je fini par me tourner vers mon mentor, il avait toujours les mains sur le volant et n’avait même pas détaché sa ceinture. Sa bonne humeur semblait s’être noyée en même temps que le moteur, voilà qui était bien dommage. Sans un mot je rangeais la carte papier dans la boite a gants et entreprit de baisser la vitre manuellement avant de passer par cette nouvelle ouverture pour m’extirper du véhicule.

Accroupis sur le toit de la camionnette, j’avais un joli panorama sur la situation. Le fleuve n’était pas loin de nous. En sortant de son lit, il avait inondé le quartier. Les digues servant normalement à empêcher ce genre de phénomène étaient éventrées en plusieurs points, peut-être est-ce dû à des travaux inachevés?  


Le conducteur de la voiture était sorti de son véhicule pour crier son mécontentement. Le grondement de la pluie étouffait ses jurons, il avait de l’eau jusqu’au mollets, je poussai un soupir. La rue derrière lui était en pente douce, si on avait réussi à parcourir une dizaine de mètres de plus, le moteur aurait été hors de danger et on aurait pu continuer notre chemin. Je ne savais toujours pas pourquoi Pyrus avait été appelé en premier lieu. Si les vies de civils étaient réellement en danger quelque part, mieux valait que l’on se dépêche de trouver une alternative pour rejoindre notre destination.


Le héros avait finalement décidé de quitter le confort de sa camionnette, contrairement à l’autre conducteur, il avait de l’eau jusqu’aux cuisses. Je le rejoignis habilement d’une glissade contrôlée et m'enfonçai à mon tour dans l’eau trouble. La sensation de poser mes pieds nues sur une surface que je ne pouvais pas voir était un peu désagréable, mais je chassai rapidement cette préoccupation pour me concentrer sur la situation.


Alors… J’avais deviné en fait? C'était quoi son problème à ne pas m’expliquer clairement les choses? Mon costume saturé d’eau était quelque peu pesant et ralentissait mes mouvements. Je tâchai néanmoins d’agir avec l’urgence que la situation préconisait, et après avoir coller à l'asphalte trois des roues du véhicule, je jetai le gros sac rouge étanche sur mon épaule.  

La rue principale était devenue un vrai champ de mine. Sous la surface, je pouvais sentir que des plaques d’égouts s’étaient soulevées et que des objets de tailles diverses s’étaient fait emportés jusqu’au milieu de la route. Une personne inattentive ou prise de panique pouvait se faire emporter par un siphon, ou se coincer une jambe dans un des détritus.  Il fallait probablement interdire l’accès à la région et aider les personnes les plus atteintes à rejoindre les zones élevées de du quartier. Je m’apprêtais à demander son opinion à Pyrus lorsqu’il m’arracha le sac de l’épaule.


Devant nous, une petite fille luttait contre le courant tout en criant des trucs inintelligibles.


Un chat? Ou ça un chat! J’étais quasiment arrivé à la hauteur de la petite lorsque mon regard croisa celui du félin, juste au-dessus de ma tête, à une bonne demi douzaine de mètres.


Pas besoin d’être un génie pour comprendre la situation, la bête avait trouvé refuge dans cet arbre et ne comptait pas en descendre temps que les intempéries ne se seraient pas calmés. Il n’avait pas tort en soit, sauf que son humaine ne possédait pas le même instinct de survie.

Un petit coup de water gecko et me voilà à la hauteur du félin. Si ce n’était l’épais feuillage de l’arbre, j’aurais sans doute pu en profiter pour scruter les alentours à la recherche d’autres victimes. Au lieu de quoi je dû me contenter de décrocher une à une les griffes du fauve trempé. D’un coup d’alter, je tachai d’enlever le gros de l’eau de son pelage avant de le glisser dans la veste de mon samue.

De retour en bas, je trouvai la petite sur les épaules du héros. Elle avait l’air abattu et je me demandai si cela était dû à la pluie, au stress, ou à quelque chose que mon maître de stage aurait pu lui dire.


La pluie ne me permi pas d’entendre la réponse. Je pris les devants du cortège afin de sonder le chemin à la recherche de potentiels dangers immergés. C’était bien la première fois que mon alter se montrait aussi efficace dans un milieu urbain.

Stage

Ft : Les dés

On venait de s'engager dans une ruelle donnant vers les hauteurs du quartier lorsqu’un cris venant de derrière nous attira mon attention. Une femme était penchée à une fenêtre suppliant à qui voulais l’entendre de venir l’aider, son fils était vraisemblablement coincé dans la cave de l’immeuble.

Une sensation de déjà vu me parcourut alors que je faisais demi tour, sans adresser un mot à mon maître de stage.
Le sac rouge contenait une petite hache. Je m'apprêtais à l'abattre sur la porte en verre lorsque cette dernière s’ouvrit sur le visage paniqué de la dame qui criait à la fenêtre quelques instants plus tôt.


Je ne comprenai pas ce qu’elle me dit alors qu’elle me conduisait dans un couloir vers le fond de l’immeuble, on avait les pieds dans l’eau.

Deux coups de hache me suffirent pour arriver à la conclusion que la lourde porte métallique qui bloquait l’accès à la cave allait être un problème. J’avais beau donner de l’épaule au niveau de la serrure, le tout ne bougeait pas d’un iota. Derrière la porte, tout était silencieux.



Peut-être que je pouvais essayer de détruire les gonds pour désolidariser la plaque de métal de la structure. J’étais à peu près sûr que cet abordage aurait pu donner des résultats… si j’avais su comment m’y prendre. Mes coups ne faisaient que tordre le métal et menaçaient d’empirer la situation.


Je sursautai en entendant la voix familière et n’eu pas le temps de regarder derrière moi qu’une chaleur intense me projeta en arrière. Le cul par terre, je m’étais instinctivement protégé le visage derrière mon avant bras, mes arbres plaqués contre mon crâne.


Devant moi, un trou de la taille d’une chaise s’était ouvert au milieu de la porte. J’entrepris de l’asperger d’un jet d’eau constant, à peine celui-ci entrait en contact avec le métal qu’il s’avaporait dans un un bourdonnement agressif. Une dizaine de secondes plus tard, le passage était redevenu praticable et c’est avec un sentiment d’urgence que je m’engouffrai dans les ténèbres.  

On pourrait qualifier d’hoerreur le sentiment qui me parcourut lorsque je découvri que les escaliers continuaient sous la surface de l’eau. L’enfant devait avoir essayé de trouver une autre issue et s’était retrouvé coincé par l’inondation. Sans perdre de temps j’utilisai Aqua Touch pour scanner le dédale. Je repèrai plusieurs poches d’air sans pour autant pouvoir identifier leur localisation exacte. Les secondes me semblèrent durer une éternité alors que je cherchais désespérément un signe de vie.

Il ne vint pas et je fini par plonger sans vraiment savoir quelle était ma destination.

Un mur, un autre mur, le plafond, un cable, une rambarde, un escalier, la dame avait dit avoir parlé  à son fils juste avant de nous appeler. À ce moment-là, l’eau devait déjà avoir envahi les régions les plus basses du souterrain, je ne cherchai donc pas à m’enfoncer dans les profondeurs et fis demi-tour à la recherche d’un couloir au premier niveau.

Le stress faisait mon coeur battre beaucoup trop vite et il me fallut rapidement retourner à l’escalier afin de reprendre ma respiration. Je me laissai huit secondes de répit avant de plonger nouvellement. J’avais exploré la partie droite de la cave aussi j’entrepris de m'engager dans la gauche. Là je tombai sur une ouverture, il me fallut quelques instants pour comprendre qu’il s’agissait d’une porte entrouverte. Je me saisi du bout de corde rattaché à mon costume et  le collai au mur avant de m’engouffrer par l’ouverture. J’avais 50m de mou avec moi, c’était plus que ce que je pouvais tenir sans respirer.

S’ensuivit un long couloir. Mon alter me permettait de me coller aux murs et de progresser rapidement. Arrivé au bout, Aqua Touch m'indiqua qu’une poche d’air se situait juste au-dessus de moi. Sans trop penser, j’entrepris de me vider de ce que j’avais dans les poumons afin de refaire mes réserves. Ce que je ne savais pas, c'est que la poche d’air en question était une fine couche de la hauteur de la première phalange de mon index étendue sur toute la superficie du plafond. Mon instinct de survie avait pris le pas sur ma claustrophobie et j’étais prêt à m’arracher la peau du visage contre le crépis pour reprendre l’air que j’avais eu la bêtise de relâcher. À ce moment je n’arrivais même pas à savoir si j’avais les yeux ouverts ou non. L’obscurité était totale, pendant un instant j’essayai de tendre l’oreille à la recherche d’une respiration, mais mes oreilles immergées ne me permettaient de percevoir que les battements de mon cœur et le bruit chaotique d’une entrée d’eau.

Je ne savais pas où aller aussi, après huit secondes, je m'immergeai nouvellement et me dirigeai vers la source de ce bruit. Pendant un instant je me retrouvai sans aucune prise. Une brasse, deux brasses, trois brasses… Ma tête heurta un truc dur et filandreux. Mon cœur manqua un battement alors que mes mains se posaient sur la chose. Elle était tiède, elle n'était pas si dure que ça… C’était une tête, rattachée à un corps. J’avais trouvé le gamin.

Sans attendre une seconde j’activai le mécanisme de mon costume rétractant la corde.  Le corps était beaucoup plus lourd que ce à quoi je m’attendais et si ce n’était pas un problème sous l’eau, ce le fut au moment de le tracter dans l’escalier puis de le passer au travers du trou de la porte.

J’étais étonnamment calme face à la poupée de chiffon étendue à même le sol. Il devait avoir une quinzaine d'années environ, sa peau était livide, il ne respirait pas, je n’avais pas trouvé de poul, mais j’étais persuadé qu’il était vivant. Une fois un message de détresse envoyé, je realisai les gestes de premiers secours. J’avais jamais eu à les faire moi même, mais je les avais appris et avait déjà assisté à une résurrection. Trente compressions suivies de deux insufflations, je ne connaissais qu’une partie de Dancing Queen et entreprit de la chantonner en boucle.



À chaque compression je m’attendais à ce que le gamin me demande de la fermer et cette idée me permettait de tenir le coup malgrès la fatigue croissante.