[Jour 1] Sur le grand-pont (RP global)

Une grosse goutte perlait sur le front de Linda. Le fond de teint de la jeune femme plus masculine que féminine coulait en conséquence le long de son loup. Deux bosses apparurent de manière éphémère sur la robe au niveau de ses côtes flottantes : elle expirait violemment par ses orifices à cause de la peur de tomber. Le gant de Ryou quant à lui s'enroula comme une chaussette que l'on enlève après une journée de dur labeur.

Linda, incapable de se rattraper autrement fût toutefois sauvée par Zorro. Son regard profond chapeauté par la passe de sa coiffe la subjugua immédiatement. Sa capeline, animée par le vent, lui donnait indéniablement l'air d'un super-héros

_M...Merci. D'habitude, c'est plutôt tornado qui vous rattrape... Commente-t-elle, amusée.

Après un échange visuel, un coup d'oeil rapide sur la cicatrice qui dépassait de son masque et quelques longues secondes, Mustang se remet sur pieds.

_Oui... Oui ! Je vais bien, ne vous inquiétez pas, et vous alors ? Excusez-moi !

Une dizaine d'excuses s'en suivent tandis que Linda essaie de rhabiller Ryou. Elle n'oublie pas non plus de répondre à Satoru que tout va bien.

_Bon sang ! Mais j'ai tâché ma robe ! S'exclame-t-elle soudainement.

En effet, Linda avait renversé sa coupe sur la jambe de sa robe. Elle essaie, vainement, de frotter avec son poignet et, trop embarrassée par la situation, explique alors :

_Excusez-moi, je vais devoir aller laver ça... Serveur, vous sauriez où trouver des toilettes ?

Une indication de trajet plus tard, Linda se congédie de ses camarades. Fuyante, elle se sent accablée par la honte et presse le pas maladroitement sur ce qu'elle considère comme des échasses de cirque. A mi-chemin, elle ôte justement ses talons pour gagner en aisance.

Sera-t-elle suivie jusqu'à l'intérieur du bateau ?

M’en étais-je bien sortie ? Bien sûr que non. Ma situation aurait-elle pu être pire ? Bien évidemment que oui. Comme c’était par exemple le cas de l’inconnue qui s’était effondrée sur moi. Elle n’était pas blessée - à noter qu’une blessure n’aurait encore pas été la pire des conclusions pour cette mésaventure - mais sa boisson s’était déversée sur sa robe, désormais tâchée de façon fort disgracieuse. Au moins, tant que je ne marchais pas, mon talon perdu ne se voyait pas.

Elle ne fut pas aussi rapide que moi à réaliser le problème. Son premier réflexe fut de s’occuper de moi, de remettre en place le gant qu’elle avait failli arracher. J’aurais préféré qu’elle s’abstienne, d’une parce que ce contact non-sollicité me rendit - encore plus - nerveuse, et d’autre parce que ses gestes maladroits et difficilement prévisibles menaçaient de me faire basculer. Je l’ai aidée de mon mieux, pour qu’elle cesse de me triturer, et me suis concentrée sur mes pieds pour ne pas basculer.

"Oui, oui, ne vous en faites pas. Occupez-vous plutôt de..."

Enfin elle réalisa l’état déplorable de sa robe. Parfait, c’était juste ce qu’il fallait pour la faire fuire. Elle ne me laissa même pas le temps de finir, elle s’excusa et disparut dans la foule. Restait son mystérieux sauveur aux bras musclés, à la fois plus intrigant et intéressant. La nature de sa relation avec Skunk était un sujet de discussion qui promettait d’être fascinant. Mon attention s’est reportée sur lui dès que l’équidé se fut assez écartée, juste assez pour qu’il s’excuse et se retire à son tour.


"Bien sûr, vous êtes tout… Pardonné…”

Un sourire laconique franchit finalement mes lèvres alors qu’il disparaissait à mon tour. Débarrassée des gêneurs, je me suis retournée vers mes anciens interlocuteurs, mais ils s’étaient fondus dans la foule à leur tour. J’étais seule.

Bah. La croisière serait longue, et le temps de sociabiliser ne manquerait pas. A visage découvert. Pour l'instant, il était temps de tirer le rideau sur cette soirée. Notre DJ avait choisi de changer de musique, et d’ambiance, avec une absence certaine de goût. Plutôt que d'infliger plus encore de chaos à mes oreilles, je me suis dirigée vers les couloirs qui menaient aux cabines.

Difficile cependant de vraiment slalomer dans la foule avec un seul talon. J’avais pensé à ramasser l’autre - je l’avais précisément lancé dans ma main d’un habile mouvement du pied, coinçant la pointe entre deux orteils avant de l’expédier dans les airs et de dribbler un peu dans le vide - mais je n’avais pas de quoi le fixer avant de rejoindre ma cabine. Et les gens n’ont pas attendu jusque là, ils s’agitaient de plus en plus en réponse au changement de musique.

J’ai fini par me faire une raison, c’était trop difficile pour moi. Du moins avec ces chaussures ridicules, un talon en moins, et en préservant les apparences. Je pouvais soit retirer mes chaussures, soit continuer de tituber et risquer de tomber à la moindre imprudence - la mienne ou celle de quelqu’un d’autre - soit trouver de l’aide. Cette dernière option était encore la moins risquée. Et la moins humiliante. Mais elle restait au moins un peu humiliante.

Un jeune homme dans le coin de mon regard m’a semblé un candidat parfait, il était plutôt large d’épaule et fort, et… oui, bon, je me suis presque effondrée sur lui et ne me suis rattrapée qu’à la dernière seconde, alors j’en ai eu assez et j’ai attrapé la personne la plus proche.

“Excusez moi, jeune homme..."

Et bien sûr, le karma continuant de se foutre allègrement de moi, il a fallu qu’il soit accompagné, histoire qu’il n’ait aucune envie de m’aider. Tant pis, je m’étais déjà incrustée dans leur conversation alors j’ai été jusqu’au bout. Je me suis tournée vers sa comparse masquée, sans doute la plus japonaise des convives de ce navire, et je lui aie adressé un hochement de tête poli.

"Et vous aussi, désolée d’interrompre votre discussion, mais pourriez-vous m’aider ? Mon talon s’est cassé, et je voudrais aller me changer, mais je n’arrive décidément pas à marcher comme ça… Auriez-vous l’amabilité de m’accompagner jusqu’à ma cabine ?”

Tim s'en va