Pull the Trigger

« L’efficacité d’un camouflage dépend de l’environnement et de l’éclairage. Il y a des circonstances où des fils blancs seront plus visibles que des fils noirs, et inversement. » répliqua l’enseignant avec apathie. Les réserves émises par l’arachnide étaient compréhensibles, et il était bon de voir qu’elle ne sautait pas immédiatement sur l’occasion d’accroître ses capacités sans considérer les conséquences potentielles, toutefois il semblait à l’électrokinésiste que la lycéenne n’avait pas correctement pondéré ses critères. De son point de vue, ce défaut ne pesait pas lourd face aux avantages de la méthode, bien que ce ne soit pas le seul facteur à entrer en ligne de compte. Elle s’apprêtait à suggérer une solution au problème relevé par Hanna, mais fut de nouveau prise de court par Aizawa : « L’impact visuel serait diminué par le fait que justement, vous pourriez vous permettre d’utiliser des fils plus fins. Et sinon, vous pouvez toujours y ajouter un colorant, si vous optez pour améliorer vos grenades à toile avec cette méthode. »

C’était à croire que l’œil du professeur lui permettait de lire dans les pensées, en plus de pouvoir annuler les pouvoirs. C’était plus ou moins ce que la militaire avait voulu dire, et la doyenne elle-même semblait avoir eu la même idée, mais s’était ravisée en voyant son collègue s’exprimer en premier. Quoi qu’il en soit, cette solution n’était peut-être pas parfaite – il serait difficile pour l’adolescente de teindre les fibres tissées en pleine action, et Zhihao n’allait pas lui proposer d’avaler du colorant alimentaire, le carbone c’était déjà bien suffisant – mais elle avait le mérite d’exister. Quant à savoir si elle l’adopterait, c’était à Hanna d’en décider ; c’était son Alter après tout, personne ne pouvait le faire à sa place.

« Je ne sais pas pour « rencontrer » des araignées qui subissent cette procédure, mais j’ai apporté un échantillon de soie modifiée avec moi. Peut-être que quelqu’un en a dans votre filière support, s’ils en ont déjà entendu parler. » continua la chinoise avant de se mettre à fouiller dans son sac à la recherche de l’objet en question. Elle en ressortit une toute petite bobine, car le matériau était difficile à produire en quantités industrielles et donc relativement cher. Incorporer le graphène ou les nanotubes n’était guère difficile, mais récolter la soie d’araignée et en faire quelque chose d’utilisable, par contre… certains scientifiques avaient bien tenté d’élaborer des substituts synthétiques mais n’avaient rencontré jusqu’ici qu’un succès limité. Parfois, la voie naturelle restait la manière la plus simple de procéder.

« Il faudrait demander à Power Loader. » acquiesça la vétérane tandis que Zhihao tendait la bobine à l’apprentie-justicière – il faudrait qu’elle la reprenne après d’ailleurs, puisqu’elle faisait partie des réserves de matériaux de l’agence. « Même s’il n’en a pas, peut-être qu’il acceptera de commander une ou deux de ces curieuses petites bestioles. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas le budget. »

Oui, c’était quelque chose que la militaire avait remarqué, Yuei avait de l’argent à ne plus savoir qu’en faire. C’était à se demander où ils trouvaient leurs financements, mais nul ne pouvait nier la qualité de l’enseignement permis par cette manne pécuniaire. Et puisqu’il était question de gros sous…

« Même si vous ne vous en servez pas vous-même sur le terrain, il y aura sûrement des gens prêts à payer un bon prix pour votre production. » suggéra-t-elle, puisqu’elle savait qu’Hanna se livrait déjà à un tel business. Il y aurait là de quoi se constituer un assez beau magot.

Recovery Girl, elle, avait des préoccupations moins mercantiles et plus en rapport avec le bien-être physique de ses élèves, encore une fois.

« Vous ne savez pas s’il y a des héros qui emploient déjà cette méthode ? Je pourrais les contacter pour m’enquérir des répercussions sur leur santé, cela me ferait gagner du temps. »

Le nom de Yuei suffisant à lui seul à ouvrir bien des portes, la militaire ne doutait pas que l'autre héroïne pourrait aisément obtenir les renseignements recherchés si elle s'en donnait la peine. Toutefois, elle ne pourrait malheureusement pas la mettre sur la piste, il faudrait qu'elle se débrouille par ses propres moyens.

« Non, désolée. Je ne suis sûrement pas la première fois à y avoir pensé, mais si la technique a bien été mise en pratique, j’imagine que les héros en question ne divulguent pas publiquement le secret de leur réussite. Je pourrais certainement avoir accès à cette information en creusant un peu, sauf que cela m’obligerait à faire usage de ressources et de permissions dont je devrais me justifier ensuite auprès de ma hiérarchie... »

« Et il y a des limites à l’assistance que vous pouvez apporter à une étudiante qui n’est pas votre apprentie, ou l’une de vos stagiaires. » conclut Eraser Head, mettant le doigt sur le problème avec sa sagacité habituelle. Il l’avait lui-même dit tout à l’heure : pas de traitement de faveur.

Hanna écoutait les arguments répondu par les Héros Japonais et la chinoise, c'était tellement logique qu'elle ne put que se sentir bête devants ses professeurs et souffla un coup.

-Ah oui, excusez-moi, j'aurai dù y penser avant…

L'araignée put voir madame Meng sortir une bobine de ce fil de ses affaires, elle n'osait pas trop y toucher, le matériau semblant précieux vu la quantité qu'elle pouvait être autorisée à transporter hors de son quartier générale ou de sa base.

L'étudiante aurait bien aimé la manipulé ou essayé de la rompre pour se rendre compte de sa limite, mais ce n'était pas vraiment le moment pour ça.
Il faudra attendre l'autorisation d'en commander et également celle d'interagir avec.

- Les toiles se vendraient probablement bien en effet, mais dans ce cas il serait sûrement plus raisonnable d'en limiter l'accès, vu la résistance que vous decrivez, essayer de limiter le mauvais usage qu'on pourrait en faire.

J'en ferai la demande à Power Loader, après tout je suis la principale concernée, c'est logique, enfin, si monsieur Sekijiro Kan veut bien m'appuyer en tant que professeur principal.

Power Loader ira sûrement demander confirmation à Eraser Head et Recovery Girl pour avoir leur accord avant de demander directement à monsieur le directeur. De ce qu'Hanna savait du directeur, il n'y avait que peu de chances qu'il refuse.

L'araignée écouta les Héros discutés de la possibilité que quelqu'un utilise déjà cette méthode et si quelqu'un pouvait contacté une telle personne.
Ce qui dériva rapidement sur les possibilités de Lodestone à intervenir.

Hanna s'inclina doucement, les mains jointes devant elle pour la remercier, façon Japonaise.

-Je vous remercie de m'avoir parler de cette méthode, je ferais mes recherches de mon côté ne vous en faites pas, ne vous causez pas des ennuis à cause de moi.

Même si elle ne le disais pas, l'araignée comptait bien la tenir au courant des avancés si elles se recroisaient dans le futur.

« Ne vous excusez pas, vous êtes là pour apprendre. À quoi servirions-nous si vous réussissiez tout du premier coup ? » réagit la guérisseuse avec un sourire bienveillant. Aizawa ne semblait pas tout à fait du même avis – pas étonnant, si ce qu’elle avait entendu sur son habitude de tester ses élèves d’entrée de jeu en les menaçant d’expulsion en cas de performance insatisfaisante était vrai – mais tint sa langue. À la place, il préféra répondre à la suite des propos de l’araignée.

« Il y a des réseaux de distribution sécurisés pour ces choses-là, vous n’avez pas à vous inquiéter. »

« De toute manière, les criminels ont leurs propres fournisseurs s’ils veulent avoir accès à ce genre de produits, il n’y a même pas besoin de les voler. On trouve de tout sur le marché noir, à condition d’y mettre le prix. »

Il y avait toute une économie parallèle faite d’entreprises clandestines spécialisées dans la réponse aux besoins des scélérats en question, une véritable galaxie où la Forge n’était qu’une étoile parmi d’autres. Ce serait un excellent objet d’étude pour une prochaine leçon, même s’il risquait d’en déprimer plus d’un… comme Aizawa, par exemple.

« Vous avez de ces façons de rassurer les gens, vous... » grommela le professeur, sans pour autant remettre ses paroles en cause. Tant mieux ; si Zhihao ne prenait aucun plaisir à plomber l’ambiance, elle pensait néanmoins que sur ce sujet, ce ne serait pas rendre service à l’araignée que de lui mentir. La militaire avait entendu suffisamment d’histoires sur des inventeurs de gadgets ou concepteurs de matériaux-miracles qui s’étaient laissés dévorer par la culpabilité après que des hors-la-loi aient trouvé le moyen de reproduire leurs créations, tout ça parce qu’ils ne s’étaient pas préparés mentalement à une telle éventualité. Si elle pouvait faire en sorte d’éviter qu’Hanna ne rejoigne leurs rangs dans le futur…

« Tout cela pour dire que même si vous entendez parler de villains qui se mettent à se servir d’un outil similaire, cela ne voudra pas dire que c’est de votre faute. Ils ont de la ressource, malheureusement, et peut-être même que certains emploient déjà la méthode. »

« Vu le nombre regrettablement élevé d’hétéromorphes au physique effrayant qui se retrouvent du mauvais côté de la loi, c’est hélas fort probable. Peut-être pas au Japon, mais dans d’autres pays… » soupira la doyenne. Puis, elle sembla avoir une révélation : « Il faudrait que j’aille chercher dans les bases de données internationales, d’ailleurs ; peut-être que l’un d’eux s’est fait attraper et que la police a mis la main sur les informations que je cherche. »

Elle avait raison, il ne fallait jamais négliger de s’inspirer des criminels, quand bien même beaucoup de héros rechignaient à le faire. Tant pis pour eux, car leurs adversaires étaient souvent obligés de trouver des solutions ingénieuses pour surmonter les désavantages liés à leur position, des solutions qui pouvaient s’avérer extrêmement efficaces une fois récupérées par les bonnes personnes.

« Nous en parlerons à Sekijirō et au principal. » trancha finalement le borgne. « Maintenant, si vous en avez terminé ? »

« Je pense avoir tout dit. » confirma l’électrokinésiste. « Ne vous inquiétez pas mademoiselle Bakeryu, je n’ai pas l’habitude de transgresser les règles, et j’ai confiance en vos capacités. Sur ce, il est temps que je vous libère. Ce fut un plaisir. »

Le héros à l’écharpe, qui commençait déjà à s'emmitoufler dans son sac de couchage, leva mollement une main pour la saluer, là où sa collègue, par comparaison faisait preuve de davantage d'enthousiasme.

« Nous vous recontacterons si Nezu décide de faire de nouveau appel à vos services. Ne laissez pas Kayama vous mettre le grappin dessus en sortant. »

Très aimable à lui de la prévenir, mais après plus de huit ans d’armée, il faudrait plus que quelques commentaires suggestifs et poses provocatrices de la part de Midnight pour réussir à embarrasser Zhihao.

L'araignée acquiesça rassurée de savoir qu'elle pourrait sûrement passer pas un réseau sécurisé pour continuer à vendre ses toiles, ça semblait être le seul moyen pour limiter un tant soit peu leurs accès pour les criminels, même si madame Meng précisa bien qu'ils trouveront toujours un moyen de se fournir, si ce n'était pas déjà le cas d'ailleurs.
Après cette courte discussion très inspirante, Hanna put donc partir elle aussi, après les avoir salués bien sûr.

La mutante sortie donc tranquillement du bâtiment, Katsumi l'attendait dehors.

-Alors, tu t'es pas trop fait engueuler ?

-Oh, non... non non ça va, c'était pour me transmettre une idée intéressante pour améliorer mes toiles, il faut que j'y reflechisse, je ne sais pas encore quelles autres répercussions ça pourrait avoir sur… Ben, moi.

- Ah ben c'est cool ça ! J'avoue que je suis curieuse, mais me dit pas ce que c'est, tu me le diras si tu décides de le faire.

Dit elle avec le pouce levé.

-Promis !

Les deux filles rentrèrent tranquillement, le bon point d'être à l'internat, c'est qu'elles étaient déjà à Yuei, même si elles n'étaient pas dans le même dortoir.

Comme prévu, en rentrant Hanna se fit son propre repas, en plus que ce que lui avait gardés ses collègues de classe, elle fila ensuite se laver et prendre un bain, plus court que prévu pour ne pas s'endormir dedans, pour enfin aller s'écrouler sur son lit et dans les bras de morphée.

De toute évidence, regarder un film, ce sera pas de suite.